Saviez-vous que…

Denys Claveau, La Vie d’Ici, Shipshaw, décembre 2013

Nous sommes dans les années 1960, peut-être 1966, et notre famille réside à St-Jean Vianney. J'ai 19 ans et mon père, Laurent, en a 48.Cet automne-là, mes parents décident de partir ensemble pour un voyage à la petite chasse (lièvre, perdrix) dans la Beauce. Une sortie d'environ cinq jours. Nous étions 7 enfants, mais en âge de nous garder nous-mêmes. Mes deux frères et moi pouvions alors profiter de la deuxième voiture de mon père (une Dodge 1952) pour pratiquer notre conduite automobile dans les rangs où le trafic était rare. À part quelques erreurs de pédales de mon frère Régis (la carrosserie avait écopé) et de pelletage forcené pour nous être « callés » jusqu'aux essieux dans la bouette, ce temps de liberté nous avait paru très court. Il faut dire qu'à l'époque il était très rare que nos parents puissent se permettre un petit voyage à deux.

Leur retour s'était fait dans la joie. La chasse n'avait pas été aussi fructueuse qu'anticipée, mais le bonheur d'être ensemble tout ce temps les avait illuminés. Une seule ombre au tableau cependant. En effet mon père nous raconta qu'il était arrêté prendre un café avec maman dans un petit restaurant de Disraeli, petit village pas très loin de Saint-Georges. Il insista pour dire que le propriétaire était vraiment sympathique et que la conversation n'avait vraiment pas chômé. Ils avaient ensuite quitté les lieux après moult poignées de main et force salutations.

Ce n'est que rendu dans le parc des Laurentides que mon père se rendit soudainement compte qu'il avait oublié de payer les deux cafés à 25 cents chacun au restaurateur. Attristé il nous en fit part à son arrivée à la maison et il fit alors la promesse de retourner un jour régler sa dette.

Une dizaine d'années plus tard, alors que son travail l'avait amené en Estrie, il s'était rendu à Disraëli, avait retrouvé le petit resto, mais l'ancien propriétaire avait vendu à quelqu'un d'autre qui, évidemment n'avait plus cette facture en souffrance, si tant est qu'il y en eut déjà une de faite. Mon père s'en était vraiment désolé. Son honnêteté fondamentale nous avait par ailleurs tous profondément touchés. Il m'est arrivé quelque chose de similaire lors de la dernière campagne de financement du journal et sans doute ce vieux souvenir a-t-il pesé dans mon attitude. La campagne d'octobre s'était particulièrement bien déroulée malgré la pluie; nos bénévoles, tous rentrés, s'étaient lancés dans l'opération tourtière et dessert puis s'en étaient allés, fiers du devoir accompli.

Nous, de l'équipe de La Vie d'Ici, faisions un premier comptage de l'argent ramassé. Ouvrir les enveloppes, démêler l'argent-papier, puis la monnaie, elle-même montée en piles et finalement faire les calculs, s'est fait avec le plus grand sérieux. Dans mon cas un incident mineur s'est produit quand mon bras, par inadvertance, a fauché une couple de piles de 10 cents qui ont pris le bord. Certaines pièces sont restées sur la table, d'autres sont tombées par terre et ont roulé dans toutes les directions. Misère! Évidemment je me suis empressé de tout ramasser et rempiler. Après avoir remis l'argent et notre décompte au trésorier, notre tâche s'arrêtait là. C'était une grosse journée. Rendu à la maison je me déchausse et bizarrement il y a une pièce de 10 cent dans mon espadrille. D'abord surpris, j'ai vite compris qu'il s'agissait certainement d'un des dix cents tombés par terre plus tôt lors du dépouillement des enveloppes. Me rappelant alors l'histoire des deux cafés de mon père, je me suis fait un devoir de remettre la petite pièce à Alain Denis, notre trésorier, qui n'a pas manqué d'esquisser un sourire. Une histoire qui finit bien.

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