Staifany Gonthier, L’Indice bohémien, Rouyn-Noranda, décembre 2013
Sortie de l’école de Joaillerie de Québec en 2004, Katia Martel exerce depuis le métier de joaillière, ici en région, et ce à temps plein. Elle a récemment signé les boucles d’oreilles créées spécialement pour le 32e Festival du cinéma International en Abitibi-Témiscamingue et voilà qu’elle planche déjà sur un autre projet, même sur plusieurs projets en simultané.
L’Indice bohémien a voulu en savoir plus sur cette artiste résidant aujourd’hui à Obaska, tout près de la ville de Senneterre, nous lui avons donc posé quelques questions.
As-tu des outils ou des objets fétiches dans ton atelier? Mon atelier est un vrai cabinet de curiosités; j’y étale une foule d’objets hétéroclites que j’accumule. Tout est à la vue ou à portée de main. Je suis très attachée à tous mes objets et mes collections vont dans tous les sens, des jouets un peu « creepy » aux morceaux de métal rouillé en passant par les résidus et objets de plastique usuels ; tout y passe. Récemment j’ai eu un flash pour un morceau de broche rouillé, il s’intégrait parfaitement à ma composition et je devais le trainer avec moi depuis quinze ans.
Tu fais parfois des projets plus artistiques, à quel besoin ça répond chez toi? Les deux tiers de ma production en atelier sont consacrés à la joaillerie artistique dite contemporaine. Mes créations transcendent le bijou dans sa lecture marchande pour l’orienter vers une visée expérimentale. Ce domaine, quoique relativement peu connu, est au cœur de ma pratique. Le bijou est le médium par lequel j’exprime mes questionnements et préoccupations. Comme tous les artistes entrepreneur, une des tentacules de ma production se veut plus commerciale et je suis très fière de cet aspect également.
Quel artiste t’inspire le plus? Pourquoi? Je me tiens au courant de ce qui se fait dans le domaine de la joaillerie contemporaine, des métiers d’art contemporain et des arts visuel en général. Des démarches me touchent plus que d’autres, je pourrais entre autre nommer Adrea Wagner et Ela Bauer, deux artistes auprès desquelles j’ai eu l’opportunité de participer à un workshop dans la dernière année.
Être une artiste en région, ça prend quel sens pour toi? Est-ce une embûche, un avantage, ou les deux? Être un artiste en région n’est ni une embuche ni un avantage, c’est plutôt un fait. Je crée et je développe ma pratique à partir d’ici et ça ne pourrait pas être autrement. Mes racines sont plus profondes que nos mines, j’pense bien. L’histoire de l’Abitibi et le patrimoine sont parties prenantes de mes idées et de mes projets de création, je ne force pas ça et ça me touche et m’inspire beaucoup.
Pour le reste, tout dépend de l’investissement et des choix que je fais, ce sont ces derniers qui influencent davantage le développement de ma pratique. En région, nous avons de supers organismes et programmes qui soutiennent notre essor comme le Conseil de la culture, le fonds des arts et des lettres, tout ça est très soutenant et essentiel.
Fais-tu des collaborations avec des créateurs d’ici? Je travaille actuellement à un projet de création en collaboration avec le vidéaste et sculpteur Marc Boutin : Présence Absence. C’est un projet de création en joaillerie et en vidéo contemporaine pour lequel nous nous inspirons du passé et de l’état actuel de villes et de villages disparus de l’Abitibi. Il y en a plusieurs, c’est un sujet qui me passionne. À découvrir dans un centre d’exposition près de chez vous en 2014!
Quelle est ta réalisation préférée? Lorsque je termine une pièce ou une série, il m’est difficile d’aimer, il faut une période de recul. Des pièces, j’en fais beaucoup, j’aime sur le coup l’idée, je déteste vers la fin de sa fabrication, je redécouvre puis j’abandonne au fond d’un tiroir. C’est cruel, je sais!
J’affectionne bien cette pièce faite en 2010 ou 2011. Je l’aime parce que lorsque je la regarde il me vient des pensées contradictoires. Derrière l’utilisation de jouets et d’objets trouvés se cache une réalité sombre. Pour moi, cette broche parle de perte de repère, le petit personnage est en attente, il est et il fait ce qu’on attend de lui ; je me demande quand il sortira du cadre.
Ce ne sont certainement pas les idées qui manquent à l’artiste Katia Martel, qui travaille toujours sur différents projets en même temps : « tellement que je ne raconte plus toutes mes idées à mon entourage, ils sont fatigués à ma place ». Depuis 2006, en plus de tous ses projets, on peut parfois la voir dans les écoles primaires et secondaires le temps d’un atelier de création de bijoux.