Bernard Gilbert, un poisson dans l’eau… de la littérature

Normand Gagnon, Autour de l’île, l’île d’Orléans, novembre 2013

Bien connu dans le milieu de la culture et des lettres, Bernard Gilbert, de Sainte-Pétronille, vient de se voir confier depuis septembre 2013, par l’Institut canadien de Québec, la direction générale et artistique de la Maison de la littérature et du festival Québec en toutes lettres. Rien d’étonnant à cela. Les métiers d’écrivain et de gestionnaire culturel qu’il a exercés jusqu’ici lui ont permis d’acquérir une expérience particulière et unique qui le prédisposait tout naturellement à cette nouvelle carrière. Il fut en effet directeur du Théâtre Périscope, du Carrefour international de théâtre de Québec, du Printemps du Québec en France (1999), d’Espace 400e (2008), de même que directeur de production des opéras d’Ex Machinai. Il est également l’auteur de romansii, de recueils de poésieiii et d’essaisiv. Il est actuellement à l’écriture de deux romans : Les singes bariolés et La transfusion (titres provisoires) et lancera sous peu L’Anneau du Nibelung de Robert Lepage, au Metropolitan Opera/Une aventure scénique, un essai documentaire appuyé notamment sur un journal qu’il a tenu pendant la création et la production de cet ambitieux projet au Metropolitan Opera (New-York).

Bernard G. se réjouit de cette récente nomination, car, par la place qu’il occupera dans ce milieu en constante ébullition qu’il connaît bien, il espère pouvoir contribuer à l’impulsion d’une pensée sociale et à la réhabilitation des intellectuels. Bien sûr, par ricochet, nous dit-il, rentrer à la maison après plusieurs années d’incessants va-et-vient entre l’île et ses lieux de travail n’est pas non plus pour lui déplaire.
 

La maison de la littérature
 

Le temple Wesley, édifice patrimonial situé à l’angle des rues Sainte-Angèle et Dauphine, à Québec, abritera, en 2015, la Maison de la littérature. Cette propriété de la ville de Québec, occupée depuis 1944 par L’Institut Canadien de Québec et actuellement en rénovation, intégrera également la bibliothèque publique du Vieux-Québec. Le projet est d’une grande envergure : bistro littéraire, cabinets d’écriture, studio de création, atelier de bandes dessinées et d’illustration, résidences d’écrivains, salon de lecture, espace web, collection spécialisée en littérature québécoise, etc. La mission de l’organisme, à savoir augmenter le rayonnement de la littérature et son impact sur la société, et les objectifs qui en découlent sontambitieux : « Ce sera un lieu de rencontre entre les écrivains et le public où l’on pourra tenir des lancements, des spectacles littéraires, des performances, des rencontres d’auteur, des colloques et des évènements [et] les jeunes de la relève littéraire […] pourront y rencontrer leur mentor, obtenir du soutien et de la formation et présenter au public le résultat de leur travail », peut-on lire dans un communiqué de l’Institut Canadien.

 

Bernard Gilbert, le blogeur
 

De ce qui précède, on peut comprendre que le blogue de Bernard Gilbertv, en ligne depuis janvier 2012, ait été mis en pause depuis cet été. Il demeure toutefois suffisamment riche et révélateur pour que l’on puisse voir en lui un intellectuel, un humaniste et un progressiste qui n’a pas peur de faire connaître ses opinions et de « dénoncer les coquins », comme il le fait d’ailleurs dans une série d’articles portant sur les méfaits en cascade de Stephen Harper. Écartelé entre le rêve d’un monde meilleur qui n’adviendra que par une recherche incessante du bien commun et le constat de déliquescence de la société, notre blogueur, pessimiste par moment, cherche définitivement des solutions collectives en dehors de ce capitalisme qu’il considère être le premier responsable de la pauvreté et de la détérioration de notre environnement.

 

Bernard Gilbert, l'écrivain
 

Dans la même veine, l’auteur de Quand la mort s’invite à la première, son dernier roman, y va d’une description de ce qu’on a appelé la grande noirceur sous le régime de Duplessis. L’amalgame entre la vie sociale, politique et artistique de l’époque et l’enquête policière sur un double assassinat survenu en pleine première d’une pièce de théâtre, est particulièrement réussi. Tableaux expressifs, théâtralité – il fallait s’y attendre – retours en arrière et rappels historiques s’enchaînent sans heurts. La langue, quant à elle, est précise, fluide et touffue. Et comme pour atténuer le côté doublement sombre de la narration, garder une saine distance en regard des évènements relatés et nous inviter à faire de même, l’auteur ponctue son texte de formules aussi drôles que pertinentes telles, par exemple : « il connaissait le lieu et le métier autant qu’un curé de campagne les bas instincts de ses paroissiens » ou « … une telle épice contribuerait à relever le goût du scandale qui mijote ». Si le récit a du souffle, le lecteur, lui, devra retenir le sien. Un très bon roman qui fait espérer les prochains. Décidément, Bernard Gilbert tolère mal la noirceur, quelle que soit l’époque où elle s’installe.

 

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