Agresseurs et victimes : Lise Lalonde, 6000 rencontres et un livre plus tard

Geneviève Gagné, L'Itinéraire, Montréal, le 15 novembre 2013

Dès ses débuts comme intervenante au Chaînon en 1984, Lise Lalonde était bouleversée par le nombre de femmes victimes de violence qu'elle rencontrait.

«Je les voyais arriver dans le centre d'hébergement avec des fractures de clavicules, des cheveux arrachés, des points de suture sur tout le corps. C’était tout aussi pire pour leurs enfants: ils avaient des brûlures, des bleus, des hémorragies. C’était traumatisant!» Ce qui la préoccupait encore plus, c'était le manque de connaissance autour du sujet de la violence en général. Personne n'osait aborder la question directement. Elle a donc décidé de faire ses propres recherches en documentant ses séances d'intervention.

Après plus de 6 000 rencontres avec victimes et agresseurs de tous sexes confondus, elle peut maintenant se définir comme une experte en la matière. Mais elle avoue candidement qu'au départ, ses recherches qui se sont conclues en livre, avaient un but tout à fait égoïste: «Je voulais me protéger si un jour je vivais la même chose.» Elle espère maintenant que son livre Les agresseurs et leurs victimes : Les troubles physique et psychologique de ce fléau en aidera plusieurs.

 

Madame Lalande, comment votre livre peut-il aider les victimes?

Elles seront capables de comprendre l'évolution de la violence. Une victime qui lira les signes du début du cycle de la violence se reconnaîtra. Elle comprendra que si le début est vrai, ce qui suit le sera aussi. Par exemple, si je parle de meurtre à la fin du cycle, elle se dira «ça pourrait m'arriver».

 

Et les agresseurs?

C’est la même chose, ils pourront voir les deux côtés de la médaille. Ils comprendront ce qu'ils font à leurs victimes et  ce qu'ils ont vécu de leur propre agresseur, parce que tous les agresseurs ont déjà été des victimes. Le chapitre le plus difficile pour eux est celui des enfants victimes, car ils risquent de revivre ce qui leur est arrivé lors de la lecture.

 

Y a-t-il de l'espoir de s'en sortir comme agresseur ou comme victime?

Je suis convaincue que oui. Il est temps de changer de discours dans les médias et dans les écoles. Il faut parler de prévention et donner des moyens aux personnes de se reconnaître dans des situations de violence et surtout, leur dire qu'il y a espoir de s'en sortir,

 

Votre livre peut-il être utile à la population en général?

Mon livre s'adresse à tout le monde. Je fais de l'information, de l'éducation et de la prévention. En 30 ans de travail comme intervenante, j'ai constaté l'ampleur de la violence. C’est pour cette raison que je traite le sujet dans sa globalité et que j'aborde des enjeux aussi variés que la violence familiale, conjugale en milieu de travail, entre voisins, la rage au volant, l'intimidation dans les écoles, etc. Mais la violence conjugale prend toute la place dans le discours public. On ne parle pas de la violence psychologique, on ne fait pas de prévention. Tous ceux qui demandent des services dans les maisons d'hébergement sont en phase terminale du cycle. Mon but est d'expliquer le début de cycle de violence pour éviter à un maximum de gens de se rendre à cette phase terminale.

 

Après ce livre, quels sont vos projets pour le futur?

Je voudrais ouvrir un centre spécialisé en violence et créer une équipe multidisciplinaire où il y aurait un intervenant en toxicomanie, un autre en santé mentale, des massothérapeutes, et d'autres spécialisés en itinérance. En fait, j'espère que mon livre va allumer des gens qui se rendront compte du manque de services dans ce milieu et qui décideront d'en créer.

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