Sylvie Dupont, Contact, Témiscaming, le 14 novembre 2013
Une touchante cérémonie s'est tenue au centre communautaire de la Première Nation d'Eagle Village, le 7 novembre dernier, afin d'honorer leurs membres qui ont séjourné dans les pensionnats autochtones.
Animée par David McLaren, directeur du service de santé d'Eagle Village, la célébration a débuté avec l'entrée solennelle des résidents des pensionnats autochtones avec, à leur tête, le chef de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard. La procession a été suivie d'un chant traditionnel «Feather Song» scandé par Roy Paul, Rodney St-Denis, et Dave Stanger qui battaient à l'unisson du tambour.
Un aîné de la première nation Tla-o-qui-aht de Meares Island, en Colombie-Britannique, Barney Williams, lui-même résidant des pensionnats pendant treize ans, a été invité à réciter la prière d'ouverture ce qu'il a fait en langue autochtone. Il a également pris un moment afin de partager la peine qu'il ressentait en cette journée après avoir appris le décès de son meilleur ami en débarquant de l'avion à North Bay: « J'aurais aimé être là pour lui tenir la main. J'avais besoin de partager cela avec vous parce que nous avons trop longtemps repoussé nos émotions à l'intérieur de nous».
C'est donc, très émue, que la chef d'Eagle Village, Madeleine Paul, a par la suite pris la parole pour rappeler que 12 membres de la communauté d'Eagle Village, dont son père, avaient été envoyés dans les pensionnats autochtones de Spanish et de Kenora en Ontario: «Ce système était de l'assimilation, une rééducation pour «tuer l'indien dans l'enfant». C'est important pour nous que les Canadiens reconnaissent l'impact que cela a eu dans nos communautés», a affirmé la chef Paul.
Parmi les invités figuraient aussi les chefs autochtones Peter Beaucage de la Nipissing First Nation et Alice Jérôme, grand chef du Conseil tribal de la nation algonquine Anishinabeg, qui ont tous deux séjourné dans un pensionnat: «J'ai connu beaucoup d'obstacles au pensionnat mais ça m'a aussi permis de développer des aptitudes de vie. Je parle trois langues: l'algonquin, le français et l'anglais. C'est pas tout le monde qui a réussi à faire ça et j'en suis très fière. Il faut respecter notre propre culture et être fiers d'être qui nous sommes», a affirmé Mme Jérôme.
Cependant, les invités de marque en ce jour de commémoration étaient les survivants des pensionnats autochtones. Deux membres d'Eagle Village, les sœurs Noëlla Reynolds Robinson et Joan Reynolds St-Denis, ont d'ailleurs livré des témoignages d'une grande sincérité sur l'expérience qu'elles ont vécue au pensionnat St. Maris de Kenora.
J’avais 5 ans et ma soeur Noëlla, 8 ans, quand nous avons été emmenées dans un train jusqu'à Kenora. Nous étions de jeunes enfants, toutes seules sans notre famille, la nuit dans un train. Nous avions peur parce qu'on ne savait pas où nous allions ni pourquoi nous étions là. Après, quand nous sommes retournées dans notre famille, il y avait une gêne entre nous. Ce sont des choses dont on ne parlait pas. Je me suis aperçu que des personnes que je connais très bien y étaient allées aussi. Je ne le savais pas parce qu’elles n’en ont jamais parlé. Aujourd’hui, je suis très heureuse d’avoir recommencé à apprendre ma langue. J’aimerais aussi que l’histoire des pensionnats soit enseignée dans les écoles » a relaté Joan St-Denis.
À la fin de cérémonie, un splendide monument a été dévoilé par le chef Madelaine Paul en présence des survivants.