Cimenteries sous des loupes variables

Gilles Gagné, GRAFFICI, Gaspésie, décembre 2013

Les quatre cimenteries exploitées au Québec font l’objet d’une surveillance citoyenne variable. GRAFFICI constate qu’aucun groupe écologiste indépendant ne scrute régulièrement les activités des cimenteries de Joliette (Lanaudière), Saint-Basile (capitale-Nationale), Saint-Constant (Montérégie) ou Grenville-sur-la-Rouge (Laurentides).

Aucun organisme de ces régions ne pose de questions comme le fait Environnement vert-plus dans la Baie-des-Chaleurs au sujet du projet de cimenterie de Port-Daniel-Gascons. Toutefois, quand ça dérape, des gens réagissent. Ainsi, un recours collectif a été intenté le 8 juin 2011 par un groupe de Grenville-sur-la-Rouge pour réclamer 25 millions de dollars en dommages compensatoires et punitifs, et pour nuisance venant du bruit des camions, de la poussière de la carrière et de la pollution générée par la cheminée de la cimenterie Colacem, la plus petite du Québec avec une capacité d’environ 200 000 tonnes. Elle est exploitée depuis 2007 par une firme italienne.

La municipalité de Grenville-sur-la-Rouge a mis sur pied un comité pour dialoguer avec la firme en avril 2010, ce qui n’a pas empêché l’action en justice, dont l’issue est inconnue. Ailleurs, des groupes surveillent les activités de deux des trois autres cimenteries québécoises. L’un se nomme COSE, pour Comité de suivi environnemental de Lanaudière. Le second, semblable, évolue à Saint-Constant. Toutefois, ces groupes sont totalement ou partiellement financés par les cimenteries.

Le COSE suit la cimenterie Holcim de Joliette. Fondé il y a 18 ans quand il a été question d’y brûler des BPC, le COSE est loin d’être indépendant. « On arrime des tables de concertation, pour emmener un dialogue enrichissant entre la compagnie et les citoyens. On ne critique ni entreprise, ni citoyen », dit son président Marc Corriveau. Holcim, installée à Joliette depuis 1965, est « un gros contributeur du COSE », comme d’autres industries. « Holcim a investi énormément » lors des dernières années pour réduire poussière et bruit, dit M. Corriveau.

Les activités du COSE achèvent. Non subventionné par l’État, il a reçu une lettre de l’industrie à l’effet qu’il n’y aura pas de financement en 2014. Sa coordonnatrice Jacynthe Chevrette déclare que « c’est mission accomplie ».

Gilles Côté, directeur du Conseil régional de l’environnement de Lanaudière, ne voit pas de mouvement indépendant surveiller Holcim. « Il y a une sensibilisation au passage des pipelines, [de l’exploitation] des gaz de schiste et de la ligne électrique en provenance du Lac-Saint-Jean et de la Baie-James. » Pourtant, la cimenterie de Joliette brûle du charbon comme combustible et y ajoute des « combustibles alternatifs », des copeaux surtout, mais aussi des bardeaux d’asphalte, contenant des hydrocarbures, et d’autres résidus de démolition. Holcim a brûlé des pneus dans le passé. Cette particularité avait resserré le suivi citoyen et celui de son organisme. « À l’époque des pneus, 60 % des combustibles utilisés par la cimenterie étaient alternatifs », précise Gilles Côté.

L’usine récupère-t-elle des gaz rejetés dans l’air? M. Côté ne croit pas, mais il ne semble pas inquiet de la teneur des émissions de Holcim. Quand GRAFFICI lui demande si l’usine rejette « des métaux gazéifiés », il répond « je ne pense pas ». Il ajoute que la cimenterie dégage « de la vapeur d’eau », et admet, quand la question est soulevée, qu’elle émet « beaucoup de CO2 », un gaz à effet de serre. Il admet que « oui, ça pollue, mais de façon à affecter la santé? Je ne crois pas ».

Un second comité évolue à Saint- Constant, où se trouve Ciment Lafarge. Viceprésident du Conseil régional de l’environnement de la Montérégie, Richard Marois estime que Lafarge se classe « dans les bons » avec les citoyens et qu’elle a réduit le bruit émanant de son usine. « Lafarge rémunère bien ses employés. Les gens se retiennent pour critiquer. C’est complexe. C’est ni noir, ni blanc, c’est gris. On ne peut s’opposer. On tente d’arriver à des compromis. »

À Saint-Basile où sied l’usine de Ciment Québec, Marie-Ève Leclerc, du Conseil régional de l’environnement, précise qu’il existe dans la région de Québec une table de concertation de l’environnement, mais que « personne ne surveille cette situation (la cimenterie) ».

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