Le saumon, une espèce en péril ?

Ariane Aubert Bonn, GRAFFICI, Gaspésie, décembre 2013

À l’heure où le gouvernement fédéral étudie la possibilité d’ajouter le saumon atlantique à la liste des espèces en péril, les zecs et réserves fauniques de la Gaspésie ne s’inquiètent pas outre mesure pour leurs activités de pêche.

La directrice de la Zec de la Petite-Rivière-Cascapédia, Joëlle Gagné, estime que le changement de statut d’espèce pour le saumon atlantique ne signifie pas l’arrêt de la pêche. « Là où ça pourrait avoir un impact, pour nous, c’est auprès de la clientèle de l’extérieur qui a un souci de respect de la ressource et qui n’est pas au courant qu’au Québec, la gestion des rivières à saumon n’est pas la même qu’au Nouveau-Brunswick ou dans d’autres provinces maritimes », dit-elle.

Sur la rivière Petite Cascapédia, les grands saumons sont automatiquement remis à l’eau, explique Mme Gagné, afin de leur permettre de gagner le lieu de leur naissance pour se reproduire, ce qui permet de protéger l’espèce. Elle ajoute que chaque année, les populations de saumon sont recensées. Le nombre de permis alloués et les conditions de pêche sont ajustés en fonction d’une préservation optimale du saumon. « On effectue un suivi toute l’année. On connaît la température de l’eau, les algues qu’on trouve dans la rivière et le nombre de poissons est comptabilisé chaque été », précise-t-elle. Les exploitants de la rivière Petite Cascapédia compilent des statistiques depuis plus de 20 ans. Joëlle Gagné ne sent pas qu’un danger menace la population de saumons qu’elle côtoie.

Au Québec, la gestion des populations de saumon atlantique est effectuée rivière par rivière. « C’est logique, puisque le saumon revient toujours au lieu de sa naissance, alors il n’ira pas dans les autres rivières », souligne le directeur de la Fédération des gestionnaires de rivières à saumon du Québec (FGRSQ), Florent Garnerot. La protection de cette espèce ne doit donc pas forcément être centralisée, fait valoir l’organisme au gouvernement fédéral.

M. Garnerot reproche au gouvernement l’image négative qui pourrait être associée à la pêche au saumon si cette espèce est protégée. « La pêche du saumon atlantique engendre des retombées importantes au Québec. Il faudrait vraiment qu’on puisse savoir si elle va demeurer une option pour les pêcheurs qui, ne connaissant pas le mode de gestion particulier de la province, pourraient choisir de ne plus pêcher le saumon pour le protéger », indique M. Garnerot, qui recommande de quantifier l’impact sur la pêche sportive de la décision de changer le statut de l’espèce.

Toutefois, le désir de protéger le saumon semble positif en général à M. Garnerot. « La protection de la ressource, c’est intéressant, parce que ça englobe tout, pas juste la pêche, dit-il. Ça encadre toutes les activités qui pourraient avoir un impact sur l’espèce, même l’exploitation forestière ou l’activité humaine en bordure des rivières. » Il pourrait être dans l’intérêt des pêcheurs et des exploitants que les facteurs pouvant nuire à l’espèce en dehors de la pêche elle-même soient contrôlés, juge M. Garnerot.

« Une protection de l’espèce n’empêchera pas de capturer des juvéniles, remarque le directeur de la réserve faunique de Port-Daniel, Yves Briand. C’est les géniteurs qu’on va protéger. Ici, on fait automatiquement la “graciation” des grands saumons de toute façon. » Il est possible de pratiquer la pêche dans le respect de l’espèce, croit M. Briand, qui ne craint pas une baisse de clientèle reliée à un possible changement de statut de l’espèce.

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