Des réseaux difficiles à percer

Geneviève Gélinas, GRAFFICI, Gaspésie, décembre 2013

Les Gaspésiens de souche méritent-ils leur réputation de chaleur et d’accueil? Au premier abord, oui. Mais percer les cercles sociaux est difficile pour un nouvel arrivant. et la question de l’origine remonte à la surface, particulièrement si l’on prend la parole dans un débat houleux. À l’heure où la Gaspésie redouble d’efforts pour attirer des résidants, GRAFFICI s’interroge sur nos lacunes et nos contradictions en matière d’accueil.

« À Montréal, j’étais devenu Montréalais. Quand je suis arrivé en Gaspésie, je suis redevenu Allemand », aime à dire Thomas Martens. Originaire de Cologne en Allemagne, il a habité à Montréal pendant 20 ans avant de s’établir à Bonaventure en 2001.

La géographie et l’histoire de la péninsule expliquent le comportement de ses concitoyens, croit M. Martens, fondateur du Cercle international gaspésien. « Les Gaspésiens sont accueillants comme les gens qui habitent au bord de la mer, près des ports. Ils ont une aisance à échanger avec les personnes qui viennent d’ailleurs, ils sont habitués. »

« Ça change quand la personne reste, ajoute M. Martens. Un peu comme partout où l’on trouve une identité forte, il se développe un certain ethnocentrisme. » Dans la Baie-des-Chaleurs, un village acadien succède à un village loyaliste, puis à un village français et anglo-normand, remarque-t-il. « Les gens de Bonaventure n’ont rien contre les migrants, mais déjà, ils ne fréquentent pas leurs voisins de Paspébiac ! »

« Percer le réseau des invitations, des partys est très difficile, dit M. Martens. Et c’est normal : quand on ne connaît pas quelqu’un, pourquoi l’inviter ? » On pourrait compenser cette « absence de réflexe d’inclusion » par davantage de lieux de socialisation comme les bars, estime M. Martens, une denrée rare dans les villages éparpillés sur la côte.

Être né hors de la Gaspésie veut aussi dire répéter l’histoire de ses origines. Mario Mimeault, installé à Gaspé depuis 40 ans, ne compte plus les fois où on lui a demandé, de façon directe ou indirecte, s’il était Gaspésien. « Je suis bien reçu, mais je me fais poser des petites questions », dit-il. Pourtant, M. Mimeault se décrit comme un « dinosaure » au plan de sa généalogie. Ses ancêtres ont contribué à fonder Mont-Louis, même si lui-même est né et a grandi à Rimouski. Cet historien qui a enseigné l’histoire au secondaire a aussi déjà essuyé des remarques d’autres enseignants. « On m’a dit : qu’est-ce que tu viens faire ici? Tu voles nos jobs ! »

L’accès à l’emploi s’est toutefois amélioré pour les migrants ces dernières années, perçoit M. Martens. Puisque la main d’œuvre se fait rare, ne pas être le fils ou la fille de quelqu’un de la place n’est plus aussi handicapant qu’avant. « Notre situation démographique se détériore, explique M. Martens. Et tout le monde se rend compte qu’on a besoin de gens de l’extérieur. » Jean-Pierre Pigeon note aussi que l’intégration des nouveaux se fait plus rapidement qu’à son arrivée à Sainte-Anne-des-Monts, en 1972. « Beaucoup de nos enfants quittent et ne reviennent pas. Il y a des postes à combler et on essaie d’attirer des gens de l’extérieur. Être de souche ou “pas de souche”, aujourd’hui, je ne vois plus de différence. »

 

classé sous : Non classé