J’ai marché dans les pas des patriotes

Monique Hébert, Journal Boum!, Barraute, novembre 2013

L'année 2013 marque le 175e anniversaire du soulèvement des patriotes de 1838. Pour souligner l'anniversaire de ce triste épisode de notre histoire, un colloque organisé à Napierville, en Montérégie, a réuni, les 19 et 20 octobre derniers, de nombreux historiens, des amateurs d'histoire et de généalogie ainsi que quelques centaines de participants, dont plusieurs descendants des acteurs de cette époque mouvementée.

Avec eux, j'ai marché dans les pas des patriotes. Je n'ai pas pu reconnaître les maisons des protagonistes. Le feu a détruit la majorité d'entre elles. Le seul édifice qui subsiste de cette époque est celui du comté, alors le palais de justice. C'est là qu'ont été enfermés les «bureaucrates» ou «loyaux». (fidèles à la couronne britannique) faits prisonniers par les patriotes au début des troubles.

L'année 1837 a vu la victoire des patriotes à St-Denis, près de la rivière Richelieu, la défaite de St-Charles, la paroisse voisine, ainsi qu'une brève escarmouche à Moore's Corner, sur la route de St-Armand à Swanton, près de la frontière américaine. 80 patriotes y font face à 300 volontaires bien armés. Dans leur fuite, ils abandonnent sur le terrain le corps d'un des leurs alors que deux sont blessés et trois sont faits prisonniers. Ils laissent aussi «deux pièces de canon montées, 5 barils de poudre, 6 boîtes de cartouches, 70 fusils ( … ) et deux drapeaux . Milieu décembre, les patriotes embusqués dans l'église, le presbytère, le couvent et quelques maisons de St-Eustache font face à 500 volontaires qui accompagnent les troupes anglaises au nombre de 1500.

Après plusieurs heures de combat acharné, les principaux édifices sont en feu, 120 patriotes sont faits prisonniers et un grand nombre de maisons brûlent. Le lendemain, le village voisin de St-Benoît est pillé et rasé bien qu'aucune résistance ne s'y soit manifestée.

Quand arrive 1838, les chefs sont réfugiés aux États-Unis, des centaines de rebelles croupissent en prison, huit prisonniers sont exilés aux Bermudes. Les autorités croient que ces mesures sévères ont mis un terme aux révoltes. Cependant, dans plusieurs localités, l'espoir persiste. Le grand camp est établi à Napierville. La république y est proclamée le 4 novembre. Le 6, des patriotes se rendent à Odelltown, petit hameau au sud de Lacolle, à environ 2 km de la frontière, pour récupérer des armes qu'ils y ont cachées. Ils sont reçus par des volontaires (collaborateurs de l'armée) qui les forcent à retraiter, abandonnant les armes. Deux jours plus tard, 600 hommes armés marchent sur Odelltown. Après un engagement de deux heures, c'est la débandade. Ainsi finit la deuxième tentative de soulèvement et commencent les représailles, incendies, pillages, viols, emprisonnements, biens confisqués.

Six hommes de Napierville figurent parmi les patriotes exilés en Australie. Quatre d'entre eux reviendront à compter de 1844. Deux sont décédés en captivité. Si certains habitants ont pu retrouver leurs terres en témoignant ne pas avoir participé à la rébellion, la cohabitation fut difficile, celles-ci voisinant les habitations des «loyaux» ou des «volontaires» qui avaient participé au pillage et à la destruction de leurs maisons. On estime à environ 60% le nombre d'habitants qui fuiront Napierville dans les mois suivants. Certains y reviendront, d'autres gagneront les filatures de la Nouvelle-Angleterre.

Aujourd'hui, Napierville n'est plus la capitale de la république du Bas-Canada proclamée en 1838. C'est un village prospère qui compte environ 3 500 âmes et qui se souvient que leurs ancêtres ont lutté pour avoir un pays.

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