Nicole Bédard, Autour de l’île, l’île d’Orléans, octobre 2013
Le 10 septembre dernier, Anne Sigier était honorée à titre de Chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur par le consul général de France à Québec, M. Nicolas Chibaeff. Cette prestigieuse désignation de la part du gouvernement français lui fut attribuée par le général Frédéric Dequen, pour son parcours professionnel et sa contribution au renforcement des liens culturels entre le Canada et la France.
Par le biais des Éditions Anne Sigier, dont elle est la fondatrice, on a reconnu sa contribution dans la diffusion des œuvres d’auteurs tant français que canadiens. Nous avons eu le bonheur de la rencontrer dans sa résidence de Saint-Jean, à l’île d’Orléans, quelques jours après cet événement marquant de sa carrière. Rappelons que Mme Sigier, depuis son arrivée au Québec le 8 décembre 1972, a permis la diffusion de plus de 600 titres, faisant ainsi connaître près de 300 auteurs des deux côtés de l’océan.
Bien qu’elle ne s’attendait pas à vivre pareil honneur, elle accepte bien humblement cette médaille, voyant sa vie d’éditrice comme une mission qui lui a été confiée. Cet honneur, elle le partage avec sa famille, avec ses auteurs, avec ses collaborateurs dans l’édition et dans l’impression de ses ouvrages. Jetant un regard sur le fleuve, elle dit : « J’écoute, je fais silence. Un cadeau qui m’est donné, c’est cette nature, l’eau qui passe, c’est la vie. » Et elle nous raconte avoir grandi dans une famille de dix enfants, portant en elle le rêve de devenir sage-femme… « Mais ce sont des livres que j’ai pu mettre au monde grâce à des auteurs qui eux-mêmes donnaient un plus à la vie. »
Naissance de sa vie d’éditrice
Un événement déterminant l’a conduite dans le domaine de la littérature à caractère religieux. Alors qu’elle était catéchète en France, elle faisait connaître aux familles Aujourd’hui la Bible. Devant l’intérêt grandissant qu’elle suscitait chez les parents pour cette collection qui situe la Parole de Dieu au coeur de la vie, l’éditeur lui a demandé de venir en faire la promotion au Canada. C’est ainsi qu’elle accepta de venir à Québec et y émigra avec son époux et leurs quatre enfants.
Par la suite, elle fit du porte-à-porte pour vendre d’autres livres religieux qu’elle entreposait dans leur résidence du Lac-Beauport. Mais voilà qu’une inondation causée par le débordement de la rivière Jaune vint tout détruire. Le soutien d’amis et les bons conseils de son père lui donnèrent alors un élan pour recommencer à zéro et les Éditions Anne Sigier virent le jour dans un premier local ouvert au public en 1976.
Sa rencontre avec les auteurs
« Je recevais des manuscrits écrits avec de beaux mots, mais j’avais besoin d’entendre la voix de tous les auteurs avant d’accepter d’éditer leurs oeuvres. Quand les mots sont habités, ils font vivre le lecteur », dit-elle. Aussi, elle les faisait parler, leur demandant à qui le livre s’adressait et quel en était le message essentiel. « Le ton de la voix disait un peu l’âme de l’auteur », affirme-t-elle. Parmi les écrivains rencontrés et appréciés, elle mentionne Maurice Zundel, théologien et mystique, Olivier Le Gendre, écrivain et journaliste, le Père Yves Girard, moine cistercien et auteur de livres de spiritualité, ainsi que Jean Vanier, écrivain, humaniste et fondateur de l’Arche.
Mme Sigier accorde une grande importance à la qualité de présence aux autres ; un regard de bonté, sans jugement, qui redonne dignité à l’autre. Elle croit qu’une parole peut être féconde et elle raconte s’être arrêtée un jour près d’un clochard, à Paris, et avoir découvert en l’écoutant qu’il écrivait des poèmes. Elle lui a offert de les publier et elle a édité Des mots sans domicile. Cet auteur, du nom d’Éric Boyer, a retrouvé sa dignité et un travail, après la parution de son livre. Elle y écrivait : « Leur hiver serait moins froid si notre coeur devenait leur toit… »
« La gratuité est payante, car la joie de l’autre est un salaire », nous disait Anne Sigier, alors qu’elle racontait de bons souvenirs de partage. Son entreprise étant vendue, elle continue de favoriser des rencontres entre auteurs et éditeurs ; elle partage ce qu’elle a reçu tout au long de ces années au contact de la Parole. Elle mentionne que quatre livres sont nés de quatre poètes et artistes de l’île d’Orléans… île de beauté… : Terre d’amour, de Cécile Bouchard, Québec, un siècle de souvenirs en cartes postales, de Nadine Girardville, Les belles de chez nous, de Lylianne Coulombe et L’Arantèle ou au fil de l’aurore, de Christiane Gagné.