La sciotte de Jean-Paul

Diane Clavet, Le Lavalois, Sainte-Brigitte-de-Laval, octobre 2013

Jean-Paul Thomassin n’avait que 13 ans quand il est monté dans les chantiers pour la première fois. Son père Odina, alors jobber pour le Séminaire de Québec, l’avait engagé ainsi que ses frères et d’autres Lavalois pour remplir un contrat. Muni de sa sciotte, de sa hache et de son crochet, Jean-Paul est monté au Lac aux Pins quittant ainsi le monde des enfants pour celui des travailleurs. Dans ce temps-là, le métier de bûcheron n’était pas facile. Les heures de travail étaient longues, il fallait bûcher d’une étoile à l’autre, six jours par semaine. Les conditions étaient difficiles; l’été, il y avait les mouches, la chaleur ou la pluie tandis que l’hiver c’était le froid et la neige.

Les habitations (camp, office, cookery, étable) étaient rudimentaires, pas isolées et sans commodités. Les hommes couchaient dans le camp dans des lits superposés. Jean-Paul m’a conté que ce n’était pas chaud durant l’hiver et qu’ il arrivait souvent que ses couvertes restaient prises dans la glace le long du mur. Dès le mois de juin, les chantiers commençaient. Les hommes bûchaient de la pitoune de 4 pieds pendant de longs mois puis à l’automne quand la neige arrivait, ils charroyaient le bois coupé dans des sleighs tirées par des chevaux.

À tous les 15 jours, un mesureur de bois passait dans les différents chantiers pour mesurer la quantité de bois coupé par chaque homme; c’était ainsi que la paye était déterminée. Dans ses premières années de travail, Jean-Paul donnait la plus grande partie de son salaire à ses parents. Quand on vient d’une famille de 17 enfants, chacun doit faire sa part. Jean-Paul était considéré comme un bon bûcheron, il bûchait 3 cordes de bois par jour, à la sciotte s’il vous plaît. Il lui est arrivé de passer 4 mois dans les chantiers sans revenir à la maison. Il ne se plaignait jamais malgré les tâches à accomplir car en plus de son travail, il s’occupait de soigner les chevaux, chauffer les bâtiments, aiguiser ses outils.

Jean-Paul conserve des bons souvenirs de ses années dans les chantiers. C’est avec émotion qu’il m’a parlé de son père, de ses soeurs qui y faisaient la cuisine et de son frère Guy avec qui il faisait parfois équipe. Jean-Paul a exercé le métier de bûcheron pendant de nombreuses années. Après son mariage avec Julienne Sanchagrin en août 1957, comme ce travail l’éloignait trop longtemps de sa famille, il a choisi de devenir menuisier-chanpentier. Ce métier, il l’a exercé jusqu’à sa retraite et le pratique encore pour les siens. Il a contribué à construire plusieurs maisons de Sainte-Brigitte, dont trois qui lui appartenaient.

Aujourd’hui, âgé de 83 ans, Jean-Paul est toujours un amateur de forêt. Il possède une belle terre à bois où chaque année, équipé de sa scie mécanique, il coupe quelques cordes de bois de chauffage pour son usage personnel et celui de ses 3 garçons. Il y pratique aussi son activité préférée la chasse à l’orignal. Au moment d’écrire ces lignes, Jean-Paul et ses trois garçons ont débuté leur chasse et ils ont déjà abattu un chevreuil à Nicolet et un orignal sur leur terre à bois.
 

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