Vincent Di Candido, Échos, Montréal, octobre 2013
La liberté d’expression a bon dos chez plusieurs. Le langage extrême tenu sur la Charte des valeurs québécoises crée un climat malsain qui mine le débat, occultant les raisons profondes qui ont mené à son élaboration. Il s’agit d’abord d’instaurer l’égalité hommes-femmes et d’interdire les symboles religieux ostentatoires dans la fonction publique seulement. Il n’a pas été question d’étendre l’interdiction partout dans l’espace public.
Bien des gens qui ont l’habitude de demander des accommodements ne comprennent pas la nécessité d’interdire le voile ou la burqa des employés qui ne font pas de vagues. C’est oublier le débat qui, il y a plusieurs décennies, avait instauré la laïcité au Québec et permis de mettre un frein à une certaine oppression de l’Église qui imposait ses dogmes au peuple québécois dès l’enfance.
Certains discours, qui frôlent le chantage, enjoignent de quitter le Québec si la Charte entre en vigueur. Pourtant, plusieurs immigrants proviennent de pays vivant sous une dictature, le pire étant l’Arabie Saoudite, où la femme est une esclave qui n’a pas le droit de se vêtir comme elle l’entend, de conduire une auto seule et où l’homme peut violenter son épouse sans avoir à subir de conséquences. Rien de semblable ici. Si les immigrants que le Québec accueille avec générosité veulent garder un style de vie incompatible avec les valeurs démocratiques, nous leur souhaitons bonne chance !
En choisissant un pays, on se doit de s’y intégrer. Selon une étude de l’UQAM, plusieurs des allophones (environ 40%) refusent cette option. Un gouvernement élu démocratiquement se doit alors d’intervenir, comme c’est le cas pour beaucoup de pays comme la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, l’Inde, la Turquie, etc. – certains allant même jusqu’à imposer des restrictions visant l’espace public (ce qui, rappelons-le, n’est pas le cas pour la Charte qu’on nous propose), ou comme la France, où des intégristes poussaient l’audace jusqu’à bloquer des rues pour faire leur prière en dépit de la colère des Parisiens.
Concernant les déclarations d’élus, notamment municipaux, qui se sont prononcés contre la Charte, il convient de noter qu’elles ne sont pas sans arrière-pensées à l’approche des élections municipales. Quant à l’expulsion de Maria Mourani du caucus du Bloc québécois, on essaie de nous faire croire que le parti voulait la museler, ce qui est une fausseté; Mme Mourani a été réprimandée parce qu’elle avait outrepassé les limites permises dans le cadre de ses fonctions.
L’arrivée de Mme Lisette Lapointe (épouse de l’ancien premier ministre Jacques Parizeau) dans le débat, qui défend Mme Mourani et condamne la Charte, fait penser malheureusement à une vengeance personnelle. On se souvient que Mme Lapointe, ainsi que Louise Beaudoin et Pierre Curzi, avait quitté le PQ dans le tumulte après l’élection de Pauline Marois et le dépôt d’un projet de loi favorable au nouveau Colisée. D’ailleurs, elle avoue que le comté de Crémazie, qu’elle a déjà représenté comme députée, compte 30% d’allophones, ce qui vient miner son objectivité – pourtant nécessaire au débat.
Enfin, tout en admettant que le sujet est controversé, le gouvernement ne devrait pas s’interdire de songer dans un avenir proche d’étendre l’interdiction dans la rue pour les signes religieux vraiment inacceptables, comme la burqa, qui n’a pas sa place au Québec.
Montréal n’est pas un État dans l’État, n’en déplaise aux activistes extrémistes qui veulent profiter du système pour créer des brèches et légitimer des conceptions où la femme est traitée comme une marchandise. Le Québec est un pays de liberté, où chacun est libre de s’exprimer. L’État doit intervenir pour équilibrer le désir d’égalité et de liberté, à l’abri des excès de langage du type de ceux de Mme Mourani. En dernier lieu c’est le peuple qui décide, sans qu’il ait à plier devant les menaces verbales ; on appelle ça la démocratie !