Université rurale québécoise 2013 : 300 personnes découvrent l’ingéniosité du Haut-Saint-François

Jean-Claude Vézina et Pierre Hébert, Le Haut-Saint-François, Cookshire-Eaton, le 25 septembre 2013

 

Théoriciens et expérimentateurs partagent savoir et pratique

 

L'Université rurale québécoise (URQ), composée de quelque 300 personnes tous azimuts, de partout au Québec, a convergé vers les MRC du Granit, du Haut-Saint-François et des Sources, pour analyser les expériences imaginatives de citoyens et d'organismes qui veulent « en finir avec les crises [en trouvant] des clés pour en sortir ou les contourner », thème de l'URQ 2013. Cette question rappelle l'importance pour la ruralité de développer une culture, des outils pour planifier l'avenir plutôt que de s'agiter dans l'urgence.

Scrutées à la loupe par des doctorants et des professeurs des universités de Lennoxville et de Sherbrooke, entre autres, ces initiatives ont été présentées à des confrères, des élus et des fonctionnaires qui souhaitent transposer dans leur milieu les fruits de ces travaux. L'URQ donne la chance aux gens, aux organismes et aux « patenteux » à l'imaginaire fécond, de partager leurs expériences, les solutions novatrices qu'ils ont appliquées pour résoudre des problèmes liés à la vie rurale, le tout dans un cadre plus scientifique. « C'est l'institution qui sort de ses murs pour vivre le quotidien de la réalité rurale », explique Bruno Jean, secrétaire permanent et responsable du Comité d'orientation de l'URQ, en visitant les champs de la ferme La Paysanne.

Dans le HSF, les visiteurs ont pu choisir quelques sorties parmi 22 initiatives groupées en 7 thèmes. « Miser sur les jeunes » a donné la chance au groupe de découvrir les actions mises de l'avant à la Cité-école Louis-Saint-Laurent où les élèves participent à une vie communautaire semblable, dans ses institutions, à celles des municipalités. On y promeut la participation citoyenne dans les domaines social et politique.

« Miser sur la ressource naturelle rurale » a servi de prétexte pour présenter les activités de la ferme La Paysanne de Bury. Biodiversité, production de matériaux non ligneux pour l'énergie, soins et nourriture destinés aux animaux, herboristerie, entre autres, en font un laboratoire unique. Faire flèche de tout bois pourrait devenir une solution pour passer à travers les temps moroses.

Pour faire suite au compte-rendu portant sur la biomasse forestière et agricole à des fins énergétiques discuté il y a quelques mois, l'expérimentation s'est poursuivie. Lors de l'URQ, on en a présenté les avancées technologiques.

« Miser sur l'environnement » a servi de prétexte pour parler d'une expérience tout à fait innovatrice. Le Centre de services éducatifs populaires donne la chance à des adultes peu scolarisés de devenir des acteurs de changement en s'appropriant de nouvelles connaissances. La municipalité de Saint-Isidore-de-Clifton a aussi résumé le résultat d'actions entreprises pour améliorer l'environnement municipal.

« Miser sur la mobilisation et l'implication de communautés locales » a permis aux chercheurs de rendre compte des activités réalisées dans 5 hameaux qui ont démontré que l'union peut créer la différence dans la vie de ces petits villages.

« Miser sur l'attrait de nouveaux résidents » tel est l'engagement de Lingwick et East Angus, entre autres, qui, dans l'optique de la rurbanisation, ont lancé des programmes incitatifs afin d'accueillir de nouvelles familles.

« Miser sur l'entrepreneuriat local » a donné la chance à des organismes de développement socioéconomiques de présenter des expériences menant à une synergie rentable où les talents de chacun favorisent l'éclosion d'entreprises solides.

« Miser sur la culture et le patrimoine » témoigne des difficultés particulières à surmonter pour les producteurs de spectacles. Le bassin de clientèle est limité. Le Centre culturel de Weedon et le Cochon SouRiant font part d'éléments de solutions pour assurer leur survie. Par la suite, Empreinte bleue et Sylvain et Lulu ont créé un domaine virtuel et un autre physique à la jonction des Routes des Cantons et des Sommets pour promouvoir l'art dans son acceptation large. Pour surnager, le Musée Eaton Corner, dont les artefacts rendent compte de l'arrivée des premiers colonisateurs de notre région, a misé sur le bénévolat en l'absence de contribution étatique.

« Des passionnés de développement qui se rencontrent, des croisements de savoirs et d'expériences qui s'effectuent, des idées qui se partagent ou se confrontent, des solutions qu'on imagine, des mondes meilleurs qu'on invente ». C'est en ces mots que Robert Cyr, un des participants à l'URQ 2013 décrit son expérience.

Le mot de la fin appartient à Nicole Robert, préfet de la MRC du HSF et présidente de l'URQ 2013. « Tous les projets proposés dans le cadre de l'URQ renforcent les liens dans toute la communauté du Haut-Saint-François faisant la preuve que quand les élus, les citoyens, les organismes et les entreprises travaillent de pair, le développement devient possible. Et c'est à ce moment qu'on y trouve la clé du succès. »

 

Des initiatives concrètes auxquelles s'ajoute la théorie

 

Le croisement des initiatives locales et le savoir des chercheurs permet de mieux comprendre les problématiques et de s'outiller dans une stratégie développement local et régional. Des représentants de diverses municipalités, que ce soit Chartierville, Scotstown, Lingwick, Newport, Saint-Isidore-de-Clifton ou East Angus, ont témoigné des initiatives qui mènent à des résultats fort prometteurs.

L'Hôtel de Ville de Scotstown accueillait plus d'une trentaine de participants pour discuter des enjeux « Miser sur la mobilisation supralocale, Miser sur la mobilisation et l'implication des communautés locales ». En lever de rideau, le chercheur Jean-François Allaire a jeté les bases de la discussion en énumérant ce qu'il appelle les 5 clés du développement. « Faire du développement, c'est comme faire du pain. Ça prend les ingrédients soit les gens et d'autres personnes pour pétrir la pâte et que ce soit cohérent. » Selon M. Allaire, il importe d'avoir des leaders engagés et visionnaires, du soutien et de l'accompagnement avec des ressources, obtenir une participation structurée, concertée et inclusive, avoir des actions concrètes innovatrices et pétrir tout ça dans une cohérence territoriale.

Raymond Fournier, conseiller à la municipalité de Chartierville, Marcel Langlois et Mariette Bénard de Lingwick, ainsi que le citoyen Michel Duval de Scotstown, ont témoigné par des exemples concrets présentant comment la mobilisation pouvait se faire dans leur milieu respectif pour en arriver à des réalisations concrètes. La stratégie, par une fête, d'amener les gens à discuter d'un plan de développement pour leur municipalité s'est révélée une initiative originale et efficace pour ce petit patelin. L'émergence d'initiatives que ce soit l'aménagement d'un pavillon multifonctionnel pour des fêtes, l'amélioration du concept de la côte magnétique ou de rehausser la passerelle pour la mine d'or fait en sorte que les gens acceptent le renouveau et s'impliquent à rêver de leur avenir, de mentionner M. Fournier.

À Lingwick, la création de la coopérative de solidarité «Les artisans de Lingwick » a créé un effet d'entraînement inattendu. Les gens ont profité d'une période propice à la mobilisation soit le 150e anniversaire de la municipalité pour lancer l'initiative. « La coopérative a créé une synergie et le projet de bâtisse pour faire la vente des produits a fait renaître de leurs cendres différents organismes comme la FADOQ, l'AFEAS et autres. Ça a eu un effet bénéfique sur les autres », de lancer avec conviction M. Langlois.

Michel Duval mentionne les efforts pour sortir Scotstown d'une période où la gouvernance s'est montrée particulièrement chaotique avec le passage de trois maires et autant de directeurs généraux de 2009 à 2011. Une consultation publique, l'élaboration d'un plan de développement local, la création de comités avec des leaders ont permis de donner un coup d'envoi dans la bonne direction. Différents projets voués à redonner une fierté peut-être perdue se sont mis en branle; d'abord sur l'aspect visuel par des panneaux d'accueil, la transplantation d'arbres le long de la rue Principale et un aménagement paysager du parc municipal ont permis de redorer l'image de la municipalité. D'autres initiatives comme se doter d'un site Internet et un bulletin d'information s'ajoutent à la démarche qui ne fait que commencer selon les intervenants. Des ateliers de discussions ont suivi ces témoignages auxquels se sont dégagées, avec l'aide des chercheurs, différentes pistes et façons de procéder.

Du côté de Gould, la mairesse de Lingwick, Céline Gagné et le maire de East Angus, Robert G. Roy, accompagné de son directeur général, Normand Graillon, et du directeur des loisirs, David Fournier, ont mis en évidence les différentes initiatives misant sur les attraits pour attirer de nouveaux résidents. À Lingwick, l'achat d'une bande de terrain à la papetière Domtar pour la morceler en 14 emplacements et les mettre en vente à prix concurrentiel s'inscrit dans le cadre des initiatives pour garder et attirer de nouveaux arrivants. Mme Gagné parle de l'élaboration d'une stratégie pour accueillir les nouveaux venus et différentes façons de les intégrer à la vie sociale du milieu. Elle ajoute que de miser sur l'aspect patrimonial, les différents attraits de la corporation comme le pont couvert contribuent à augmenter la fierté des résidents.

Du côté de East Angus, le maire Robert G. Roy mentionne que sa municipalité traînait avec elle une image plutôt négative. « Y faut pas avoir peur de faire affaire avec une firme de l'extérieur. Le plus dur, c'est de se faire dire en pleine face ce qui ne fonctionne pas et de l'accepter. Après, on se retrousse les manches. » Le maire mentionne que les intervenants ont multiplié les actions de diverses façons sur le plan visuel par l'embellissement physique de la municipalité, d'initiatives rassembleuses comme la Fête de la famille, et autres sans oublier la refonte du site Internet ainsi que de saisir toutes les opportunités vantant les bons coups de la municipalité. Les chercheurs Myriam Simard et Chakda Yorn y sont allés d'une présentation mettant en relief différentes initiatives réalisées dans d'autres régions.

Les participants rencontrés au cours de la journée ont témoigné de leur satisfaction. «Je venais chercher des liens avec les problématiques en région et voir comment mobiliser les gens, » d'exprimer Annie Cloutier du CLD de Maricourt. Pour Chantal Bouchard, de la MRC de Sept-Rivières, de la Côte- Nord, c'est la formule atelier qui l'intéresse. « J'aime la formule des ateliers, mais je trouve ça trop court. On en veut plus. » Pour Lucie Roy, du CLD de la Haute-Côte-Nord, qui en était à sa troisième édition de l'Université rurale, c'est le réseautage et le renforcement des connaissances qui retiennent son attention. Les chercheurs y trouvent également leur compte. Pour Jean-François Allaire, enseignant et chercheur, c'est une occasion en or de venir chercher de l'information. À partir de ce qui se fait, on peut développer des modèles et mieux aiguiller les agents de développement. Nous, on se nourrit d'idées et on retourne dans notre milieu », d'exprimer celui qui participait à sa quatrième édition de l'URQ.

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