Concert de clôture de la saison de Musique de chambre à Sainte-Pétronille: Che Tango Che

Normand Gagnon, Autour de l’île, l’Île d’Orléans, septembre 2013

Si les premières manifestations du tango (danse et musique) sont apparues dans les quartiers populaires bordant le Rìo de la Plata vers la fin du XVIIIe siècle et se révèlent être le résultat d’un inextricable métissage d’influences africaines (esclaves noirs) et européennes (émigrants), il s’est profondément transformé à partir des années 20 où l’on observe une double rupture, selon les propos de Fabrice Hatem. D’une part, il quitte ce que certains ont appelé sa vulgarité originelle pour conquérir avec succès un public plus large, même au-delà de ses frontières. D’autre part, son répertoire chanté s’enrichit considérablement avec de nombreux nouveaux interprètes et auteurs parmi lesquels on trouve de grands poètes, tels Horacio Ferrer, dont plusieurs des textes ont été mis en musique par Astor Piazzolla, son alter ego musical. C’est d’ailleurs à ce dernier notamment que l’on doit ce tango libéré, enrichi d’un langage évolué et contemporain et qui a su, sans renier le caractère grave ou enjoué de ses origines, y incorporer des formes classiques.

Et c’est à ce tango sophistiqué que Romulo Larrea nous a conviés en nous offrant un programme où l’on retrouve deux de ses propres pièces de même qu’un grand nombre de musiques de Piazzola sur des textes de Ferrer.

Montréal bleu (Larrea), par exemple, surprend et enchante à la fois. Il impressionne par une introduction faite de contrastes : un bandonéon joué avec lenteur et légèreté et un jeu pianistique accentué et grave. Il charme ensuite par la beauté de la construction musicale qui utilise au mieux chacun des instruments du septuor. Cette pièce jouée en première partie a suffi à nous convaincre que Larrea est un compositeur et un interprète digne de ses illustres prédécesseurs. Mais c’est avec Adiós Nonino (Piazzolla), où violoncelle, piano et bandonéon unis dans un véritable cri du coeur qui pousse à la tristesse pure, que l’interprétation atteint les sommets de la perfection ; jusqu’à tirer des larmes à ceux qui y sont sensibles ! Du grand art, rien de moins !

Verónica Larc, quant à elle, ajoute encore à la sensualité de cette musique avec une émotion à fleur de peau et une voix fluide et suave. On ne peut d’ailleurs manquer de remarquer avec quelle aisance elle mitraille parfois de longues phrases sur un nombre limité de notes, ni la beauté des textes qu’elle sait faire sienne.
 

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