Serge Lareault, l’Itinéraire, Montréal, le 1er octobre 2013
Depuis douze ans, une partie importante du réseau québécois d'aide aux personnes itinérantes ou à risque de l'être survit grâce à une subvention fédérale, la Stratégie de partenariats de lutte contre lïtinérance (SPLl). En voulant concentrer les orientations du programme uniquement sur l'approche housing first – le logement d'abord -le gouvernement Harper fera en sorte que des dizaines d'organismes pourraient ne plus être financés, des centaines d'emplois seraient perdus et. à Montréal seulement. quelque 25 000 personnes ne bénéficieraient plus des services d'aide à la réinsertion.
Le programme SPLI se constitue de fonds fédéraux déployés au Québec en partenariat avec le milieu communautaire et les Agences de santé et de services sociaux. jusqu'à l'arrivée des conservateurs, le fédéral faisait confiance aux instances québécoises qui déterminaient les besoins sur notre territoire et choisissaient les projets et services à offrir.
Avec Harper, c'est le personnel ministériel lui-même qui s'est mis à jouer dans les dossiers et à refuser des projets sur des bases purement idéologiques. Maintenant. ils veulent aller complètement à l'encontre du Québec qui privilégie une approche généraliste, soit un éventail de services à la réinsertion sociale, plutôt qu'une seule approche, le housing first, qui consiste en gros à financer des logements privés pour les rendre abordables aux personnes vulnérables.
Le logement à lui seul ne suffit pas. Il faut aussi aider les gens à s'y maintenir et à régler des problèmes graves comme la maladie mentale ou la toxicomanie. Il faut éviter d'affaiblir encore plus un réseau communautaire sous-financé et qui peine à offrir les services essentiels de base. Retirer des millions de dollars en financement, cela contribuerait à semer un chaos et des ruptures de services qui auraient de graves répercussions dans la rue. Le housing first a fait ses preuves dans plusieurs pays. tel que le soutient le gouvernement fédéral, mais encore faut-il prendre le temps d'examiner le contexte social des différents États avant de conclure trop vite. Si le gouvernement fédéral détruit les services d'aide, qui au Québec reposent presque essentiellement sur les organismes communautaires, il est faux de croire que le housing first sera efficace à lui seul. Les gens ne peuvent se maintenir en logement sans une aide adéquate pour des problématiques graves comme la toxicomanie ou la maladie mentale.
Bien sûr, il faut des logements abordables pour tous, et les qualités de l'approche du housing first sont incontestables. Mais elle ne peut se faire au détriment de tout le restedes services. Il faut comprendre que derrière tout cela, c'est encore une question d'argent, une nouvelle façon de couper du côté des pauvres. La question du logement abordable et accessible devrait être abordée avec la Société canadienne d'hypothèque et de logement (SCHL) et les subventions SPLI devraient continuer, comme le demandent les instances québécoises, à financer des services essentiels.
Là, on détourne les fonds SPLI pour remplir le mandat d'une entité qui devrait répondre aux besoins de logement abordable. L’approche du housing first devrait être appliquée à la SCHL, pas à la SPLI. Qui soit dit en passant n'a pas vu son budget annuel augmenter en près de 15 ans, alors que la population itinérante a doublé et que les coûts de la vie ne sont plus comparables.
Notre dossier sur le projet de recherche Chez soi, à lire en page 14, confirme clairement que le housing first est efficace. Mais il ne faudrait pas que des coupures mesquines, des détournements de subventions et des pratiques idéologiques viennent démolir des années d'efforts en jetant à terre tout ce qui s'est construit dans le réseau de soutien québécois.