Un jour dans la Maison du pêcheur

Pascal Alain, GRAFFICI, Gaspésie, octobre 2013

Été 1969, de jeunes Québécois nourrissent des idées révolutionnaires qui mèneront un peu plus d’an plus tard au déclenchement de la crise d’octobre qui a bouleversé le Québec. Tout cela s’est produit, ici, à Percé.

Alors qu’un film sur ces événements, La Maison du pêcheur, paraît depuis le 13 septembre sur grand écran, rappelons-nous l’importance symbolique que cet endroit a joué. En juin 1969, Jacques Beaulne et Paul Rose, suivis de près par Jacques Rose et Francis Simard, fondent la Maison du pêcheur dans un ancien bâtiment de la compagnie Robin. Alors que la jeunesse mondiale est en mode de contestation et converge vers Katmandu ou San Francisco, la jeunesse québécoise, elle, se donne rendez-vous à Percé.

À cette époque, Paul Lemieux est un jeune étudiant au cégep de Gaspé. Il se souvient très bien être passé deux fois à la Maison du pêcheur à l’été 1969. « Comme jeune de Gaspé, le terrain de jeu, c’est Percé. Il est fréquent d’aller y passer des journées de congé. Percé est un lieu très animé. Tout ce qui tourne autour du quai, du Centre d’art de Suzanne Guité, est un lieu très effervescent. Je me souviens d’avoir vu Plume Latraverse, Claude Dubois et Pauline Julien. À Percé, il y a une clientèle touristique, mais il y a aussi beaucoup de jeunes qui s’y rassemblent. C’est très relax, c’est très flower power. Ce même été, la Maison du pêcheur ouvre ses portes. Ce n’est pas une auberge de jeunesse conventionnelle. C’est un lieu de passage. On y entre et on y sort comme on veut, c’est très libre. Il y a de la musique. Le soir c’est la fête ».

Quelques semaines après l’ouverture, la Maison du pêcheur devient un lieu indésirable pour les commerçants. Pour eux, l’endroit est synonyme de débauche et de nuisance publique alors que, selon eux, de jeunes hippies barbus et chevelus ne font que faire fuirle tourisme et ruiner l’économie de Percé. Àdeux reprises, les autorités et les commerçantsde Percé se liguent pour expulser les jeunes aumoyen de boyaux d’arrosage. M. Lemieux, quise souvient de cette fin d’été mouvementée,tient toutefois à préciser que « ce n’était pas unlieu de recrutement du Front de libération du Québec ni un lieu de subversion ».

Par la suite, à l’automne, des sympathisants de la Maison du pêcheur iront s’installer à Gaspé, plus précisément à Sunny Bank, dans une ancienne école située tout près de l’ancienne pisciculture.

D’eux d’entre eux, Lise Balcer et Pierre-Louis Bourret, seront d’ailleurs arrêtés plus tard pendant la crise, en octobre 1970, à la suite de l’adoption de la Loi sur les mesures de guerre. Paul Lemieux note : « En cet automne 1969, il y a un vent de changement qui souffle et ces personnes en font partie. Ils parlent du pouvoir étudiant; ils ont un discours enflammé et critique par rapport aux autorités, mais qui ne plaît pas à tout le monde. Il se produit une sorte d’éveil des consciences. »

En octobre de la même année, le bill 63 est adopté. Cette loi accorde aux parents lelibre choix de la langue d’enseignement pourles enfants. « À Gaspé, on discute de cette loilors des rencontres de l’association étudiante.L’une des filles de la Maison du pêcheur apris la parole lors d’une assemblée généraleen invitant les gens à manifester, quitte à serendre en taxi s’il le faut. Eh bien, c’est cequ’on a fait! On est partis une quinzaine avectrois voitures », mentionne M. Lemieux.

Et puis, ailleurs c’est l’escalade. La celluleChénier du FLQ, complétée par BernardSimard de Gaspé, enlève le ministre Laporte.M. Lemieux est à l’Université du Québec à

Rimouski à ce moment-là. « J’ai été surpris de constater qu’il y avait un lien avec la Maison du pêcheur quand les noms des suspects ont commencé à circuler et de voir que Bernard [Lortie] faisait partie du groupe ».

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