Jean-Pierre Robichaud, Le Pont de Palmarolle, septembre 2013
Connaissez-vous le coucou?
C’est cet oiseau étrange qui parasite le nid d’une autre espèce, de préférence la rousserolle, pour y pondre ses oeufs et ainsi faire élever et nourrir ses petits par l’autre. Dès que le coucou trouve un nid qui contient quelques oeufs, il en pousse quelques-uns par-dessus bord et il s’empresse d’y pondre les siens. Puis il s’en va vaquer à autre chose. Le couple de rousserolles n’y voit que du feu et il va nourrir la nichée, sans ségrégation.
Qu’est-ce qui accapare autant le coucou pour qu’il laisse à d’autres le soin de nourrir et d’éduquer ses oisillons? Nul ne le sait. Peut-être est-il paresseux? Peut-être ne se sent-il pas à la hauteur? Peut-être préfère-t-il batifoler tout l’été? Tout ce que l’on sait, c’est qu’il revient de temps à autre pour vérifier l’état de la couvée. C’est donc dire qu’il n’est pas un parent totalement absent. En fait, il vient s’enquérir de l’évolution de ses rejetons. Et il sait compter. Si, par malheur, un des oisillons étrangers a, à l’aide de ses moignons d’ailes,culbuté un petit coucou hors du nid, alors là le parent coucou est très fâché et il houspille vertement les gardiens de sa progéniture.
Alors ça va pas? Je vous ai confié mes petits et vous en poussez un en bas du nid? Vous n’êtes pas dignes des responsabilités qui je vous ai confiées.
Et le coucou d’entrer dans le nid et d’y éjecter tous les oisillons de l’autre, avant de repartir sans aucune autre formalité. Et la rousserolle, après quelques protestations, continuera invariablement de nourrir les petits coucous, sans rouspéter.
Quel rapport avec nous, me demandez-vous? D’abord, loin de moi l’idée de culpabiliser quiconque. Mais quand je dépose mon enfant de six mois, un an, deux ans à la garderie, ne suis-je pas un peu coucou? Les enfants qui partent pour l’école à sept heures le matin, pour ne revenir qu’à cinq ou six heures le soir ne sont-ils pas confiés à une autre couvée? Devoirs, souper, bain, et hop! dodo. Et maintenant la maternelle à quatre ans… Les parents d’aujourd’hui ont moins d’influence sur leurs enfants que les éducatrices de garderies et les profs de nos écoles. Et combien d’entre nous sommes prompts à les blâmer dès que notre enfant a un dysfonctionnement dans son groupe? Ou qu’il rapporte de l’école des mots qui nous choquent ou qui heurtent nos valeurs? Ou que les notes ne sont pas à la hauteur?
Heureusement nous ne sommes pas coucous au point d’aller faire le ménage dans la couvée. Mais certains ne se gênent pas pour faire savoir à l’éducateur ou l’éducatrice leur désaccord. Nous avons trop souvent tendance à nous décharger de nos responsabilités de parents et de faire reposer l’éducation de nos oisillons sur les épaules d’autres. Nous nous plaignons parfois d’être infantilisés par les autorités, mais nous semblons quand même nous en accommoder. Serions-nous un peu coucous?