Gustaaf Schoovaerts, L’Écho de Cantley, septembre 2013
Aussi étrange que cela puisse parâtre, je me demande, selon une donnée de Revenu Québec, si je ne serais pas bigame. J'essaie de comprendre …
Ma première épouse, Francine, décède le 11 février 2011, après être restée, pendant quatre ans et demi, clouée au lit par une paralysie complète et aphasique (à la suite d'un AVC). Je me remarie avec Marie-Paule le 30 juin 2012. Revenu Québec vient de nous faire parvenir un Avis de détermination concernant le crédit d'impôt pour solidarité. Ce document officiel demande à mon épouse actuelle de remettre la somme qu'elle a déjà reçue pour la période de juillet 2012 à juin 2013. Elle n'a pas droit à ce montant, car notre revenu familial pour l'année 2011 « dépasse le revenu familial maximal ouvrant droit à ce crédit d'impôt.» Je ne comprends pas. J'avoue sincèrement mon étonnement. En effet, Revenu Québec prend en compte, pour le calcul de ce crédit, notre revenu familial pour l'année entière, même si Francine est décédée le Il février 2011. Que vient faire ce fait dans le calcul pour Marie-Paule? Dois-je conclure que la norme de Revenu Québec ne semble pas évidente. Si la norme est telle quelle, doit-elle s'appliquer contre le bon sens?
Outre la norme, il y a la justice, l'équité, la dispense, l'exception. Un principe de droit ne stipule-t-il pas: « Summum jus, summa injuria» (Comble de justice, comble d'injustice)? Par ces mots, le romain Ciceron « … entend qu'on commet souvent des injustices par une application trop rigoureuse de la loi. » (voir Petit Larousse illustré, Paris, Larousse, 2006, p. XLI)
Je me vois obligé de payer, en même temps, pour deux épouses avec lesquelles je suis civilement et religieusement marié. Si mon revenu familial est le mien et celui de Francine, cela n'a rien à voir avec Marie-Paule. Si ce revenu est le mien et celui de Marie-Paule, cela n'a rien à voir avec Francine. Serais-je bigame? La bigamie est-elle acceptée au Québec? Une motion à l'Assemblée nationale du Québec stipule: « La polygamie ne fait pas partie des valeurs fondamentales de la société québécoise. » (Josée Boileau, Le Devoir, 20 novembre 2010)
Essayez donc de comprendre. La fonctionnaire avec qui j'ai communiqué après de longues minutes d'attente et de pitonnage m'a confirmé que le calcul était exact et qu'elle ne peut pas changer la norme.
Sérieusement, je reste perplexe.