Douze nouvelles soldates-mères joignent les rangs pour une mission de paix

Sylvie Gourde, Le Tour des Ponts, Saint-Anselme, août 2013

Ce 20 juin 2013, à quelques palpitations du solstice de l’été, douze femmes de Bellechasse sont rassemblées autour de Claude Desjardins, au Chalet des loisirs de Saint-Anselme, pour créer autant de Soldates de la paix qui s’ajouteront aux 2200 autres nées à ce jour à la grandeur du Canada, et tout récemment, en France.

À la fois forte et fragile, Claude Desjardins, métisse algonquine originaire du Québec, trace sa voie sur le chemin de l’argile et nous incite à prendre la route et à trouver la joie. Entrepreneure sociale et sculpteure, Claude Desjardins porte depuis plus de dix ans le projet des Soldates de la paix.

 

De l’ombre à la lumière

 

Claude Desjardins travaille à Victoria, en Colombie Britannique, lorsque les événements du 11 septembre 2001 surviennent. Grandement secouée par la vision apocalyptique qui s’élève des cendres du Word Trade Center, Claude Desjardins amorce une profonde réflexion sur les nombreux champs de bataille qui minent la planète. Faire la guerre à la guerre, dans tous les recoins du globe, s’avère une tache incommensurable impossible à mener. Avec humilité, elle constate que nous dressons d’abord nos propres embuscades à l’intérieur de nous. Elle s’interroge à savoir comment on peut faire la paix, éveiller notre conscience sociale, mettre ensemble les milliers de communautés de talents qui fleurissent ici et là.

Au fil de ses observations, elle constate que l’univers entier est fait des énergies masculines: le yang, définit par le ciel, la pensée rationnelle, l’action, l’avoir et des énergies féminines: le yin, qui correspond à la terre, l’intuition, l’introspection, l’être. Les deux énergies sont complémentaires et essentielles à la vie.

Dans nos sociétés, la valorisation excessive du principe masculin crée un déséquilibre qui engendre un manque de sens et mène aux conflits intérieurs et extérieurs. Pour retrouver l’harmonie, le principe féminin doit assurer sa place dans la balance. Elle y voit une invitation à sculpter à l’intérieur de soi l’être unique qu’elle est. Pour Claude, le langage de la réconciliation passe inévitablement, du coeur aux mains, par l’argile. Elle réalise que le travail à faire est de devenir de plus en plus consciente de ses propres conflits, de mettre de la lumière sur ces zones d’ombre et de se redonner le pouvoir de choisir la paix et d’agir. Le lien invisible entre ses résistances et celles des autres la pousse à sortir de son inertie et à mettre sa vision en action.

 

L’armée de terre cuite de Xi’an en Chine

 

En 2002, elle sculpte les 21 premières Soldates de la paix. Celles-ci deviennent les muses et la force visible de son projet. En parallèle, elle apprend l’existence d’une armée en terre cuite de plus de 6000 guerriers, grandeur nature, à Xi’an en Chine. En 221 avant J.-C., Qin Shihuangdi, fondateur de l’empire chinois, avait fait réaliser cette armée qui fut enterrée avec lui à sa mort. En position de combat, tous portaient des armes véritables et étaient prêts à attaquer. Chaque statue était unique et avait été fabriquée sur place avec de l’argile locale. Cette gigantesque armée avait nécessité 36 années d’efforts déployés par l’énergie de 700 000 hommes.

Claude imagine alors une oeuvre sculpturale collective internationale qui deviendrait la contrepartie de ce fait historique. «S’il y a 2200 ans, une énergie de guerre a été mise en terre, il serait peut-être bon de commencer à réaliser la fabrication d’une armée de Soldates de la paix», raconte Claude. Son but est de travailler à rééquilibrer les énergies féminines (yin) et masculines (yang) à l’intérieur de soi, et par ricochet, dans le monde. Lentement, au fil de ses pérégrinations, l’oeuvre prend forme.

 

Les Soldates de la paix

 

«Les Soldates de la paix atteignent environ 9 pouces de hauteur. Au lieu de porter l’armure, elles sont nues. Au lieu de brandir les armes, elles portent la flamme de la paix. Au lieu d’être enfouies sous terre, elles seront installées sur un site de paix créé sur chacun des continents »explique Claude. Son projet initial est de fabriquer 1000 soldates par continent pour un total de 6000. Claude souhaite que ces sites de paix permettront, dans quelques années, à chacun et à chacune de venir allumer la flamme de la paix et apprécier un moment de silence.

Chaque soldate créée est numérotée et identifiée à la personne conceptrice qui sera jumelée à celle du même numéro sur les six continents. Par exemple, les six personnes créatrices du numéro 22 de chacun des continents pourront être mises en contact afin d’établir des liens entre elles et poursuivre la création de chemin de la paix entre les différentes cultures.

En avril dernier, Claude Desjardins instaurait ses premiers ateliers en France, près de la Côte d’Azur.

 

Au coeur de la création intuitive

 

D’une durée de trois heures, l’atelier des Soldates de la paix rallie une réflexion personnelle et un processus de création intuitive. Avant d’entamer la sculpture à partir du bloc d’argile posé devant soi, chaque participant est invité à identifier sur papier une bataille personnelle. Puis ce memo est introduit dans la statuette d’argile.

Tout au long du processus, la soldate portera en son sein sa partie d’ombre jusqu’à la cuisson. Ainsi, le feu posera sa lumière sur ses propres conflits, pour les amener à sa conscience, là où elle a du pouvoir. La paix que nous cherchons commence en nous. Les douze Soldates créées rejoindront par la suite la troupe des 2 200 Soldates déjà en marche.

La séance s’est terminée par un chant de gratitude cherokee afin de remercier notre âme de nous donner le pouvoir de changer de direction. La voix cristalline de Claude rappela l’incommensurable pureté de l’univers.

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