Le départ en douceur de la maître de poste de Woburn

Johanne Carbonneau, Le p’tit Journal de Woburn, aout 2013

«Jamais, mais vraiment jamais, je ne me suis levée un matin sans avoir le goût d'aller faire ma job!» Cette phrase toute simple résume à elle seule les 32 ans de carrière de Jacqueline Busque à Postes Canada. Cette phrase, si pleine de gratitude, Jacqueline me la confie le 2 août 2013, alors que nous sommes attablées devant une pizza au Resto chez Ti-Nom. Il est midi et il y a de l'émotion dans l'air. Beaucoup d'émotion. La maître de poste de Saint-Augustin-de-Wobum prend sa retraite. Celle qui a remplacé Julien Chouinard le 17 janvier 1994 se prépare à rendre son tablier. Et c'est sa dernière journée.

Après plus de trois décennies au service de Postes Canada, Jacqueline s'apprête donc à ranger définitivement son habit. Celui-là même qu'elle convoitait déjà à l'âge de six ans en regardant la femme derrière le comptoir des postes, à Nantes, son village natal. «C'est à ce moment-là que j'ai eu le coup de foudre pour ce métier. Je la voyais faire ça et je me disais que je serais capable de faire pareil. Je savais que c'était là ma place.»

Dès lors, ce rêve de petite fille se transforme en but. De concours en concours, Jacqueline ne cesse de gravir les échelons. Les populations de Scotstown, Nantes puis Woburn la voient accumuler toujours plus de responsabilités. Sa vocation s'enracinant toujours plus profondément, elle acquiert au fil des ans les compétences nécessaires à l'exercice de ses fonctions, ce qui fait dire à son grand patron, Patrick Dralet, le 31 juillet 2013: «Merci Jacqueline pour ton excellent service durant toutes ces années! »

«Ce que j'ai aimé le plus de ce métier? Le service à la clientèle. Les rencontres personnalisées avec tout un chacun. Les contacts réguliers et la chaleur humaine développés au fil des ans. Celle qui te fait sentir que tu appartiens à une grande famille. D'ailleurs, à la fin de mes vacances, j'ai toujours eu hâte de retrouver mon monde, ma clientèle.» À cette évocation, sa voix s'étrangle et les larmes lui montent aux yeux. Elle part en vacances aujourd'hui, mais ne reviendra pas cette fois-ci.

Quelle est la plus grande qualité d'une maître de poste? «Le tac avec la clientèle et la discrétion. On m'appelait «la tombe» et ce n'est pas pour rien. J'ai été la confidente de bien des gens dans le village. Pourtant, personne ne peut se vanter d'avoir appris quoi que ce soit de moi.» Le bout le plus plate de la job? «Les rapports et la paperasse », confie-t-elle sans aucune hésitation. Et d'ajouter aussitôt: « Mais, je n'aurais pas pu faire autre chose dans la vie.»

Devant l'appareil photo, Jacqueline accepte gentiment de prendre les poses qui immortaliseront la «Jacqueline-maître-de-poste». Toute la fierté du monde se reflète dans ses sourires. La fierté de savoir qu'elle a bien fait son travail. Que malgré le coeur gros et la larme facile, elle se retire l'esprit en paix. «Je sais que mon travail va me manquer, mais je veux vivre autre chose pendant que je suis encore jeune et en santé. Peinturer, lire, me plonger dans les nouvelles technologies, faire du bénévolat, boire mon café dans ma balançoire le matin, ne pas entendre le cadran sonner.»

Je reconduis Jacqueline au bureau de poste pour qu'elle entame son dernier après-midi. J'aime imaginer l'importance que Jacqueline-la-maître-de-poste accordera à chacun de ses gestes accomplis pour une ultime fois. J'aime aussi imaginer la Jacqueline-en-jaquette, celle qui se balancera doucement dans la petite lumière du matin. Celle qui portera son café à ses lèvres en esquissant un sourire satisfait.
 

classé sous : Non classé