Matières dangereuses

François Beaudreau, L’annonceur, Pierreville, le 14 aout 2013

Une tragédie de l'ampleur de celle survenue à Lac-Mégantic, en juillet dernier, dépasse l'entendement. Et il y a de quoi. Des vies humaines, près d'une cinquantaine de femmes et d'hommes, fauchées d'un coup. Nous nous sentons impuissants devant tant de peine.

Que pouvons-nous y faire ? Deux choses. D'abord, nous souvenir. Ensuite, tâcher de prévenir d'autre accident de même nature. Suite à la tragédie de Lac-Mégantic, plusieurs commentaires ont été entendus. L'un d'eux concernait le contournement des villes par les trains de marchandises. Un autre penchait pour l'alternative du transport des produits pétroliers par pipeline.

À ce sujet, l'annonce faite la semaine dernière par la société TransCanada Corporation, d'aller de l'avant avec le projet Énergie Est, a été applaudie par quelques groupements. Parmi ceux-ci, la Fédération des chambres de commerce du Québec et les syndicats des métiers de la construction du Canada se sont montré favorables. TransCanada veut acheminer le pétrole depuis l'ouest du Canada vers Montréal, Québec et Saint John, au Nouveau-Brunswick. La société veut convertir une partie de son pipeline de gaz naturel sur une distance de 3 000 kilomètres et construire un nouveau tronçon d'environ 1 400 kilomètres. Cette infrastructure permettrait d'acheminer une quantité de 1,1 million de barils chaque jour et la compagnie estime devoir investir 12 milliards de dollars.

TransCanada Corporation a aussi un autre projet, celui de Keystone XL, qu'elle a lancé voilà cinq ans. La société voudrait construire un pipeline long de 1 897 kilomètres, depuis l'Alberta jusqu'au Nebraska, aux États-Unis. La décision du gouvernement américain est attendue à la fin 2013 ou au début de l'an prochain. Entretemps, l'initiative récolte des appuis. Par exemple, en janvier dernier, le gouverneur de l'État du Nebraska en a approuvé le tracé. Mais Keystone XL rencontre également des résistances, toujours de l'autre côté de la frontière.

Le Center for Biological Diversity, une organisation américaine de conservation sans but lucratif, vient de faire publier une étude. D'après une analyse faite à partir des registres fédéraux, les fuites de pipelines de pétrole et de gaz, les déversements et autres incidents ont donné lieu à près de 7 milliards de dollars en dommages-intérêts, fait plus de 2 000 blessés et plus de 500 morts, depuis 1986 chez nos voisins du Sud. Les auteurs de l'étude font également valoir qu'il existe une différence entre le projet Keystone XL et la majorité des autres pipelines qui ont occasionné des déversements dans le passé. La conduite projetée par TransCanada Corporation transportera du pétrole extrait des sables bitumineux, lequel s'avère très difficile, voire impossible, à nettoyer.

« Par exemple, en 2010, un déversement mazout extrait des sables bitumineux dans la rivière Kalamazoo, au Michigan, doit encore être nettoyé en dépit de trois années d'efforts », soulignent les responsables de l'étude.

Dangereuses ou pas, nous, en tant que société, avons besoin de transporter des marchandises. Sommes-nous en mesure de le faire de manière sécuritaire pour les gens, et pour l'environnement ?

Nous, de même que les groupes et les gouvernements qui nous représentent, sommes prompts à se réjouir des annonces d'investissements et des promesses d'emploi. Nous avons également le devoir d'assurer la sécurité de nos concitoyens, de notre milieu de vie et de notre environnement. C'est à nous de poser les questions et de vérifier les réponses. Et pas seulement pendant les campagnes électorales.

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