Geneviève Gélinas, GRAFFICI, Gaspésie, été 2013
Les entreprises de construction et les camionneurs ressentent durement la baisse des investissements routiers en Gaspésie. Et il ne s’agit pas d’un simple retour à la normale, disent-ils, contrairement à ce que Québec affirme.
Je sors une journée par semaine, comparé à quatre jours l’an dernier, indique Rémi Allard, camionneur et président des Transporteurs en vrac de Bonaventure. Les camionneurs n’arrivent pas à faire leurs frais, poursuit-il. Il y a des permis et des camions à vendre et les gars appellent pour savoir s’il y a de l’ouvrage à l’extérieur. »
Ce printemps, Québec a annoncé des investissements de 167,8 millions de dollars au total cette année et l’an prochain pour refaire les routes de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Il s’agit d’un retour au niveau de 2008 après une intensification des travaux, avait alors noté le ministre Gaétan Lelièvre.
« Il y a eu des années où ce n’était pas le Klondike, admet le camionneur Clément Bélanger, président du poste de courtage de Gaspé-Sud. Mais en 13 ans, je ne me rappelle pas d’une année aussi pire [que 2013]. »
« On s’aperçoit qu’il y a moins de projets en appel d’offres, que des projets sont souvent retardés et les budgets, réduits », affirme Guy Cayouette, directeur général des Entreprises P.E.C. de Bonaventure. La concurrence est aussi plus forte, puisque les budgets ont diminué ailleurs au Québec. « Il y a moins d’ouvrage en ville, alors les compagnies de l’extérieur viennent soumissionner ici », indique Patrick Lévesque, propriétaire des Entreprises Roy Duguay de Cap-Chat, qui emploiera 40 % moins de travailleurs cette année.
Le creux va durer, prévoit Guy Cayouette. « On entrevoit quelques années difficiles avec la commission Charbonneau, l’austérité budgétaire et les infrastructures routières qui ont connu certaines améliorations. » En d’autres mots, Québec resserre les cordons de sa bourse et les routes gaspésiennes sont en meilleur état. Mais que vient faire la commission Charbonneau dans l’histoire ? M. Cayouette choisit ses mots. « Quand chaque contrat est minutieusement analysé et vérifié, ça peut occasionner des retards. »
Autre facteur : la construction de parcs éoliens a beaucoup ralenti en 2013 en Gaspésie. Des entreprises comme Sani-Sable de Maria en avaient fait leur pain et leur beurre. Cette entreprise emploiera 15 à 20 travailleurs de moins en 2013, une baisse d’environ 25 %. Une minorité d’entrepreneurs ont indiqué à GRAFFICI subir peu ou pas d’impact. C’est le cas de François Voisine, directeur de Construction DJL, qui possède Pavages Beau Bassin. Ses 150 employés gaspésiens travailleront environ 15 % moins d’heures en 2013, estime-t-il. « C’est un cycle presqu’habituel. Quand la cadence va augmenter, les gens en feront davantage. »
Sylvain Roy, le député de Bonaventure, est conscient de la grogne des entrepreneurs, mais persiste et signe : les travaux routiers vont ralentir, Québec ne s’en est jamais caché. « Ça ne veut pas dire qu’on n’investit pas en Gaspésie, insiste M. Roy. On veut réorienter le tir vers le développement de la base industrielle : la cimenterie [de Port-Daniel] et l’éolien. » Ces deux secteurs ne prendront pas leur envol avant plusieurs mois, admet le député, mais Québec n’envisage pas d’appuyer sur l’accélérateur des travaux routiers en attendant.