Fous de Bassan : situation préoccupante

Pauline Phouthonnesy, GRAFFICI, Gaspésie, été 2013

La population de fous de Bassan de l’île Bonaventure semble se stabiliser cette année, mais sa situation demeure préoccupante après une forte mortalité des jeunes l’an dernier. L’espèce aurait eu de la difficulté à se nourrir.

Les études se poursuivent grâce à la présence de plusieurs chercheurs au parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé. Selon les premières estimations, le nombre de couples de fous de Bassan resterait stable par rapport à l’an passé. En 2012, les biologistes avaient même remarqué une augmentation de la colonie qui était en déclin depuis deux ans. Il y avait plus de 51 000 couples, alors qu’en 2011, on en comptait environ 47 000.

Une importante mortalité des jeunes oiseaux a néanmoins noirci le tableau l’an passé. Le biologiste Jean-François Rail du Service canadien de la faune d’Environnement Canada, région du Québec a constaté une forte baisse du succès de reproduction des fous de Bassan en 2012. « Nous comptons si les oiseaux ont réussi à pondre et combien ils arrivent à élever de jeunes jusqu’à leur envol. Nous étions autour de 30 % de succès de reproduction en moyenne, mais le taux est passé à 8 % », explique M. Rail.

De nombreux poussins étaient abandonnés au nid par leurs parents et mouraient de faim. « Les parents ont eu de la misère à trouver de la nourriture, ils partaient de plus en plus longtemps et loin, parfois les deux en même temps », constate M. Rail.

Équipés de balises GPS pendant la saison de reproduction, les oiseaux marins ont été retracés parfois à 200 km de leur colonie, à Tadoussac ou en Basse-Côte-Nord. « On a eu énormément de signalements au Saguenay et sur les rives du Saint-Laurent pour nous dire qu’il y avait beaucoup de fous de Bassan dans ces lieux il y a un an », raconte M. Rail.

Plusieurs d’entre eux ont aussi été trouvés morts en août 2012, à divers endroits dans le golfe du Saint-Laurent. Les autopsies révèlent qu’ils n’étaient atteints d’aucune maladie ou d’aucun traumatisme apparent, mais que les oiseaux étaient plutôt maigres.

 

Le maquereau

 

L’alimentation de cette espèce, pendant l’élevage des jeunes en été, est composée à 70 % de maquereau. Selon les rapports de Pêches et Océans Canada, ce poisson s’établirait plus vers le nord, obligeant le plus gros des oiseaux marins de l’Atlantique Nord à voler longtemps pour se nourrir. Selon un article scientifique que M. Rail a coécrit en 2012, la température de l’eau en été serait plus élevée que la moyenne. Les maquereaux, qui vivent en eaux plus froides, nageraient plus en profondeur. « À partir de 20 mètres, cela commence à être difficile pour les fous de Bassan », concède le biologiste.

L’abandon du nid par les parents semble se répéter dans les autres colonies, selon le spécialiste. Les pertes sont cependant plus difficiles à mesurer que sur l’île Bonaventure, la plus accessible et la seconde plus grosse colonie au monde, derrière celle de Saint-Kilda en Écosse.

 

Les pertes s’accumulent

 

Le fou de Bassan n’est pas menacé de disparition mais l’espèce avait été mise sous surveillance à la fin des années 1960. La présence du pesticide DDT, que les oiseaux mangeaient, rendait les coquilles d’œufs plus minces. Ce pesticide est aujourd’hui interdit et la population de la colonie de l’île a augmenté jusqu’en 2009. La colonie était alors à son apogée et rassemblait 59 586 couples.

Le biologiste craint que la forte mortalité des poussins en 2012 ne s’ajoute à celle des jeunes oiseaux lors du déversement de pétrole dans le golfe du Mexique, à la suite de l’explosion de la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, survenue le 20 avril 2010. « Les reproducteurs étaient déjà partis [vers le nord], mais les jeunes qui sont morts devaient commencer à nicher l’an prochain », explique M. Rail.

« La situation évolue, nous devons comprendre les changements et travailler au niveau de la recherche », estime le directeur du parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé, Rémi Plourde. Le taux de survie des poussins de cette année ne sera pas connu avant cet automne.

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