Denis Coderre, l’ambitieux

Vincent Di Candido, Échos, Montréal, juin 2013

Après plusieurs mois de valse-hésitation et, sans doute, après avoir constaté que la chefferie du Parti libéral ne pouvait que lui échapper au profit de son adversaire Justin Trudeau, M. Denis Coderre se lance en politique municipale pour briguer la mairie de Montréal.

On l'a amplement souligné: son premier point de presse en face de l'Hôtel de Ville, lors duquel il a annoncé sa candidature, a été catastrophique. Des militants masqués du FRAPRU s'y étaient invités, certains n'hésitant pas à se placer sur le podium, directement derrière M. Coderre. Ce qui a également étonné, c'est la maigre représentation de son entourage. On comptait seulement à ses côtés ses deux coprésidents de campagne, Anie Samson, mairesse de Villeray (dont l'ambition a été abordée en ces pages en avril dernier), ainsi qu'un ancien ministre péquiste, Pierre Bélanger, désireux de revenir sous les feux de la rampe.

Pourtant, M. Coderre avait eu tout le temps voulu pour consulter et convaincre. Il faut croire que ses liens historiques avec le Parti libéral du Canada et l'ancien régime Chrétien, à l'origine du scandale des commandites, en ont peut-être découragé quelques-uns, dans un contexte où la population exige des politiciens qu'ils lavent plus blanc que blanc. M. Coderre est un politicien de la vieille école et n'incarne pas précisément le renouveau. Il n'a pas non plus à sa disposition une formation politique bien enracinée, ce qui aurait pu convaincre les indécis de se joindre à lui d'emblée.

En effet, comment un candidat sans équipe élargie peut-il imposer l'image d'une administration prête à gouverner quand il ne compte même pas de programme? On note seulement de vagues intentions sur des dossiers particuliers, comme dans le cas du règlement Ni portant sur le dévoilement des itinéraires et le port de masque dans les manifestations …

Malgré son jeune âge relatif (49 ans), M. Coderre est un vieux routier de la politique. Il doit bien se douter qu'on ne lui fera pas de cadeau et qu'il ne pourra, cette fois, éviter les questions des journalistes comme il l'avait déjà fait avec Daniel Leblanc, journaliste au Globe and Mail qui s'était intéressé de près à l'époque aux rumeurs entourant les liens de M. Coderre avec des patrons d'agences de publicité (Everest et Polygone). Si l'on en croit le portrait dévastateur que lui a consacré Vincent Marissal dans La Presse du 18 mai dernier, M. Coderre aurait en outre menti à M. Leblanc quand celui·çi lui avait demandé si les patrons de la firtne Everest lui avait prêté leur condo de l'Île-des-Soeurs en 1997.

Le passé de Denis Coderre, le politicien fédéral, comporte des zones d'ombre que le candidat pour la mairie de Montréal aurait avantage à éclaircir. Il ne pourra pas y échapper en plaidant qu'il s'agit de sa vie privée. La question de la corruption et de la transparence chez nos élus a pris, ces deux dernières années, une importance capitale dans le débat public et il est douteux que les Montréalais acceptent de fermer les yeux aussi facilement et se contentent de campagnes de relations publiques Faoebook et Twitter, deux outils que M. Coderre utilise à outrance.

Des amis de ce dernier, cités dans l'article de M. Marissal, indiquent que la mairie de Montréal représente «une bonne place» pour quelqu'un de son âge. Une élection en novembre prochain le mettrait en bonne position pour un retour en force à Ottawa dans quelques années, au cas où un poste important se présenterait Or, les Montréalais méritent mieux qu'un maire de transition ayant en vue d'autres horizons. Ils sont en droit d'exiger un candidat dont l'unique ambition à moyen et long terme est Montréal. La métropole aurait de la difficulté à se relever d'un autre mandat frivole. Sans un sérieux coup de barre, elle pourrait alors sombrer plusieurs années dans la noirceur.

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