Rivka Augenfeld. Une vie consacrée aux immigrants

Bastien Potereau, l'Itinéraire, Montréal

Je la retrouve à la Place Dupuis, calme en ce mardi matin de février. Elle porte un grand manteau rouge vif, qui contraste avec le temps gris qui règne sur Montréal.

Autour de nous, on entend parler français, anglais, chinois, arabe et même espagnol. Des langues qu’elle entend fréquemment puisque Rivka Augenfeld a consacré sa vie à défendre les droits des immigrés.

Née en 1948, elle arrive au Canada à l’âge de deux ans seulement. Le contexte en Europe a poussé sa famille à fuir; ils sont des survivants de l’holocauste. Elle voit le jour en Autriche, mais est considérée comme apatride dans l’Europe d’après-guerre. Elle fait partie des «déplacés», comme on nommait les réfugiés à l’époque.

En arrivant au Québec, Rivka Augenfeld ne va pas à l’école dans le système catholique public, parce que les Juifs n’y étaient pas acceptés. Elle étudie donc dans une école primaire privée et fréquente ensuite une école secondaire publique avant de décider quel sens elle veut donner à sa vie. Elle choisit l’Université McGill, où elle étudie pendant deux ans : «J’ai fait un peu de tout. En réalité je m’étais donné comme objectif d’apprendre le français». Elle concède l’avoir surtout appris lors de ses deux voyages aux îles Saint-Pierre et Miquelon. Ce sont aussi les années où elle commence à militer pour diverses causes.

En 1974, elle entre en fonction au Service canadien d’assistance aux immigrants juifs (JIAS), qui était à l’époque un organisme modèle pour l’accueil et l’intégration des immigrants. Elle connaît personnellement le directeur de l’époque, le Dr Joseph Kage.

Rivka Augenfeld n’avait jamais travaillé auparavant et n’avait pas de diplômes, mais il l’a tout de suite engagée. Il lui donne carte blanche pour organiser des cours d’anglais aux immigrants. Elle fait de l’improvisation totale. C’est une réussite. À la fin du projet, il l’embauche comme intervenante.

En 1979, c’est le début du mouvement des réfugiés en provenance de l’Asie du Sud-Est (fuite du régime des Khmers rouges au Vietnam, Laos, Cambodge). Le Canada a accueilli beaucoup de réfugiés : «On a fait appel au public et il a répondu de manière spectaculaire, malgré le contexte de guerre froide qui régnait», commente Rivka Augenfeld. En effet, des groupes privés de parrainage ont fait venir des dizaines de milliers de personnes à cette époque.

Il y a eu une mobilisation à Montréal qui a conduit à la création de la table de concertation. Cette dernière est devenue provinciale en 1999. Mme Augenfeld en a été la présidente de 1985 à 2006. Sous sa direction, la table a été révolutionnée : création de bureaux, de nouveaux programmes d’aides aux immigrants.

Aujourd’hui, elle est consultante et formatrice en matière de politiques, de programmes et de procédures touchant l’immigration, les questions de refuge et les relations interculturelles. Elle s’engage aussi comme bénévole au Conseil canadien pour les réfugiés (CCR).

Membre actif de cet organisme depuis 1979, Rivka Augenfeld était (avec Tom Clark) la première coprésidente du groupe de travail sur la protection. Depuis 2009, elle fait partie du comité exécutif du Conseil. Elle en est devenue la vice-présidente en 2012.

«Aujourd’hui quand on entend parler le Gouvernement sur l’immigration, on a l’impression d’avoir affaire à une invasion, s’indigne-t-elle. Le Canada a toujours préféré sélectionner ses immigrants. La Convention de Genève ne pousse pourtant pas à refouler les réfugiés…» Elle se montre très sévère quant à l’attitude actuelle du gouvernement Harper envers les immigrés. Notamment sur le projet de réforme C-31, qu’elle juge inacceptable.

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