Matthieu Max-Gessler, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières
Bien qu'il soit originaire de Sorel, Jacques Brodeur a fait de la Mauricie sa terre d'adoption en 2004. Enseignant et syndicaliste retraité, l'homme a également consacré une grande portion de sa vie à la paix et à dénoncer la violence à laquelle sont exposés les enfants par le biais de leurs écrans télévisés ou d'ordinateur. Une lutte qu'il poursuit encore aujourd'hui avec une initiative prisée même outre-mer: le défi «10 jours sans écran».
Né à Sorel en 1943, Jacques Brodeur a consacré sa vie à l'éducation. Après un baccalauréat en enseignement de l'éducation physique à l'Université Laval, le Sorelois décide de rester dans la région de Québec pour exercer son métier. Métier qui, inévitablement, le confronte à la violence à laquelle cèdent souvent les enfants. «Tous les ans, c'était inévitable, j'avais des cas problèmes, comme dans bien des classes, confie-t-il. Il y a deux approches avec un élève turbulent : l'exclure de la classe et le punir, ou tenter par tous les moyens possibles de l'intégrer.»
Sans se considérer violent pour autant, Jacques Brodeur reconnaît qu'il a un caractère «bagarreur», caractéristique qui lui servira grandement lorsqu'il devient représentant syndical. «J'étais dans un syndicat considéré bagarreur, très à gauche. J'ai souvent protesté contre le gouvernement car je considérais que l'éducation ne bénéficiait pas de fonds suffisants et j'ai participé à pas mal de grèves!»
En 1986, il jette son dévolu sur un tout autre sujet. En cette Année internationale de la paix décrétée par l'Organisation des Nations Unies, l'enseignant met sur pied une collecte de jouets de guerre dans son école dans le but de les transformer en monument à la paix. En plus du succès inattendu de l'initiative, le professeur fait un autre constat, beaucoup plus choquant. En effet, la plupart des jouets de guerre sont des figurines portant le nom des deux émissions télévisées les plus écoutées à l'époque: G.I. Joe et Transformers. «Ce sont des émissions qui comportaient respectivement 84 et 81 actes de violence à l'heure, rage-t-il. En plus de désensibiliser les enfants à la violence, cette dernière sert également de stratégie de marketing pour faire désirer les jouets aux enfants.»
Croisade… pour la paix
Un constat qui révolte l'enseignant au plus haut point. «Chaque année, 10 000 personnes se sauvent de la maison parce que l'homme fait du mal à ses enfants ou à sa femme. Et ça va continuer à augmenter tant qu'on n'aura pas réussi à décrocher de l'appât.» Jacques Brodeur va donc multiplier les actions pour la paix. Il participe à la création de l'organisme Pacijou, spécialisé dans l'analyse des modèles proposés aux enfants à travers, notamment, la télévision et les jeux vidéos. Il coordonne pendant 11 ans les activités d'éducation à la paix du Syndicat des enseignants de Québec. Il crée aussi le Vote des jeunes, sorte d'anti-gala publicitaire où les jeunes peuvent dénoncer les pires annonces publicitaires.
Mais sa plus grande réalisation est sans aucun doute la mise sur pied du programme Édupax et son défi «10 jours sans écran», inspiré par les travaux de Thomas Robinson, un professeur de l'Université de Stanford. Ce dernier a réussi à faire diminuer de 40% la violence physique et de 50% la violence verbale chez des élèves d'une école de Californie en seulement 18 semaines. Le secret : 10 jours sans écran, suivis d'une limite de sept heures de télévision ou d'ordinateur par semaine.
Un défi repris par Jacques Brodeur et présenté comme un match contre des adversaires particulièrement vicieux. «Le but du programme, c'est s'entraîner et s'entraider pour augmenter la puissance mentale des enfants. Après deux mois de préparation, ils sont capables de résister 10 jours sans écran.» L'initiative plaît même outre-mer. En 2007, Jacques Brodeur offre une formation à des membres du personnel enseignant d'une école de Strasbourg, en France, pour leur permettre d'organiser le défi avec leurs élèves.
Il est rare de rencontrer des individus entièrement altruistes, qui se dévouent envers les autres sans rien attendre en retour. C'est pourtant bien le cas de Jacques Brodeur, qui offre son programme Édupax tout à fait gratuitement. «Bien des écoles ne m'appellent pas pour me demander si elles peuvent s'en servir. J'ai mis Édupax sur internet justement pour qu'il serve! Ça va me faire plaisir de les accompagner dans sa mise en place si on me le demande, mais ça reste du libre-service.»
Sa seule récompense? Savoir que la prochaine génération sera peut-être plus critique envers les médias… et plus pacifique.