Le Spa de la rue. Petit luxe pour démunis

Audrey Neveu, L'Itinéraire, Montréal

Depuis juin dernier, le Spa de la rue offre des soins de massothérapie gratuits à la Résidence J.A De Sève, affiliée à la Maison du Père.

Toutes les deux semaines, Gérard Piquemal et une petite équipe de bénévoles viennent mettre un baume sur des coeurs et des blessures grâce à ce concept innovateur.

L’idée a germé dans l’esprit de Gérard Piquemal il y a dix ans, alors qu’il effectuait son stage de massothérapie dans un spa de Mont-Tremblant. Sa rencontre avec un vieil homme démuni du village souffrant d’arthrose lui a ouvert les yeux sur sa véritable vocation. «Je lui ai massé les mains un petit peu tous les jours. Il m’a dit, “c’est ici dans la rue que vous devriez être”.»

L’école de massothérapie Kiné-Concept a permis de lancer le projet et de recruter des bénévoles. Les services sont offerts à la résidence J.A. De Sève, qui accueille des hommes de 50 ans et plus ayant vécu l’itinérance et souffrant de problèmes de santé mentale ou de dépendance.

Réal a été l’un des premiers clients de la clinique du Spa de la rue. Vivant depuis maintenant sept ans à la résidence, il a connu un passé d’itinérance qui a lourdement marqué son corps. La hanche, le cou et l’épaule le faisaient inlassablement souffrir, jusqu’à ce qu’il découvre les soins du Spa. «Ça aide pendant un temps jusqu’à ce que la douleur recommence, mais au moins quelqu’un prend soin de mes douleurs et ça, c’est primordial. Ça apporte tellement un réconfort, ce n’est pas croyable. Je ne l’avais jamais vécu avant, c’est vraiment spécial.» Après chaque séance de massothérapie, Réal attend la prochaine avec impatience.

«Ça leur apporte un soulagement physique et moral, continue Gérard Piquemal. Le toucher, pour nous c’est normal, mais pour un itinérant, ça représente la violence. Ils ne sont pas habitués au toucher.» Selon lui, la massothérapie permet à ces hommes de reprendre contact avec leur corps, de se le réapproprier et de prendre conscience de leurs douleurs, souvent causées par de longues années d’itinérance.

Gérard Piquemal rejette du revers de la main l’idée selon laquelle le massage devrait être considéré exclusivement comme un service de luxe. Offrir des soins de massothérapie et d’aromathérapie à des hommes de la rue est selon lui essentiel. «Pourquoi c’est un luxe? Parce que ça vaut 95 $ pour une heure. Un itinérant ne peut se permettre de dépenser 95 $ pour cela, explique-t-il. Pour un itinérant, un soin de pieds n’est pas un luxe.»

Au-delà des bienfaits que ces soins procurent aux hommes qui en bénéficient, les bénévoles aussi en retirent une expérience de contact plus humaine. «La satisfaction, c’est la reconnaissance dans les yeux de la personne quand elle vient se faire traiter.» Pour Céline Demers, pour qui c’est la première expérience en tant que bénévole au Spa de la rue, donner aux autres est même nécessaire pour sa propre santé mentale.

«C’est un soin qui pourrait être proposé dans d’autres refuges, dans des organismes de santé mentale, même aux mourants dans les hôpitaux, explique l’ancien massothérapeute et intervenant à la résidence J.A. De Sève, Alfred Saint-Jean Lespérance. C’est une forme de soins complémentaires à la médecine plus traditionnelle. Elle pourrait être offerte dans plusieurs milieux.»

Le Spa de la rue participe depuis début mars à une étude sur l’impact de la massothérapie et de l’aromathérapie sur les maladies dégénératives, particulièrement sur le psychisme et le sommeil, en collaboration avec le Centre canadien de recherche sur le toucher. Ces soins s’étendront prochainement aux hommes du refuge de la Maison du Père.

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