Marie Toutant : en mission contre les préjugés

Francis Halin, L'Itinéraire, Montréal

Une fois, Marie Toutant s’est fait dire : «Toi, tu es chanceuse parce que tu habites à Sainte-Julie et il n’y a pas de BS là-bas.»

Ce que cette personne ignorait, c’est que Marie était sur l’aide sociale depuis 20 ans. Récit d’une batailleuse qui n’a pas la langue de bois.

Il est midi à la station de métro Longueuil-Université-de-Sherbrooke. Une odeur persistante de pizza brûlée embaume l’air du terminus d’autobus. Soudain, Marie bondit de nulle part. Tirée à quatre épingles, elle fait d’entrée de jeu une remarque sur son apparence physique en me tirant le bras : «Avoue que je n’ai pas l’air d’être une assistée sociale, n’est-ce pas? Je suis bien trop propre, non?», décroche-t-elle pour me piquer au vif.

«Pour plusieurs, on est encore des paresseux ou des profiteurs qui se prélassent avec un gros chèque», s’empresse-t-elle d’ajouter. Or, s’il y a bien une chose que Marie n’a pas eu le loisir de faire ces dernières années, c’est bien de se reposer, car elle a été une aidante naturelle pendant une vingtaine d’années. Avec de maigres revenus, elle a pris soin de son conjoint psychotique et de ses quatre enfants.

Un jour, elle a quitté Québec pour s’établir à Sainte-Julie avec ses enfants et se rapprocher de sa soeur. Là-bas des intervenantes lui ont conseillé de déménager dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal pour être plus prêt des ressources. Elle a refusé. «J’ai opté pour une ville riche plutôt qu’un milieu pauvre parce que je voulais que mes enfants sentent qu’ils ont autant le droit de rêver que les plus privilégiés de la société», explique celle qui croit en la justice sociale plutôt qu’en la charité.

Marie critique beaucoup l’État qui se repose trop sur les services offerts par les organismes communautaires.

 

La passivité, c'est assez !

Marie a toujours voulu garder la tête haute. Les universités se l’arrachent aujourd’hui pour prononcer des conférences sur les conditions de vie des assistés sociaux. Très militante, elle a travaillé au sein de plusieurs partis politiques. Lors des dernières élections, elle a défendu les couleurs de Québec Solidaire dans Verchères. «J’ai choisi d’être candidate pour donner une voix à mes pairs, les assistés sociaux, car c’est terrible ce que l’on vit», raconte-t-elle, la voix chevrotante d’émotion.

Malgré sa défaite lors des dernières élections, Marie s’engage plus que jamais en tant que citoyenne. Pour elle, les préjugés sont si tenaces qu’un vaste mouvement populaire est désormais inévitable : «Je n’en peux plus d’entendre sur toutes les tribunes autant de préjugés sur les assistés sociaux. C’est inadmissible! Les radios poubelles devraient être fermées par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes parce qu’elles causent préjudice aux gens qui sont pognés dans ce foutu système-là».

«On n’est pas des prisonniers, des délinquants ou des criminels, mais on nous traite toujours comme des parias. Je veux que tous les assistés sociaux sortent comme moi dans les médias pour dire haut et fort qu’ils en ont assez!», insiste celle que l’ancien Premier ministre du Québec Bernard Landry avait nommée membre du Comité de la santé mentale du Québec.

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