Le curé qui voulait être visible

Geneviève Gélinas, Graffici, Gaspésie

« Pour moi, l’Église doit être plus présente dans le champ social, pas juste dans l’église et le presbytère. » Ce n’est pas un vieux curé qui le dit. C’est le plus jeune prêtre du diocèse de Gaspé,

Tony De Blois, curé de Sainte-Thérèse, Val-d’Espoir et Percé. M.De Blois, 36 ans, est tout le contraire d’un prêtre au profil bas. Il a sauté à pieds joints dans le débat sur la prière au conseil de la MRC du Rocher-Percé – il est en faveur – il y a deux ans. Il porte fièrement le col romain. Et on l’a vu bénir une pharmacie lors de son inauguration.

Ce sont les propriétaires du commerce qui l’avaient invité, souligne M. De Blois. « Toutes ces occasions, je saute dessus. Ça fait voir le prêtre dans un contexte différent. Ça nous fait rencontrer des personnes éloignées de la religion, mais qui se posent des questions. C’est une occasion d’être visible, et en étant visible, c’est le Christ qui est visible. »

M. De Blois regrette les années où il pouvait présenter la crèche aux élèves « 100 % catholiques » de l’école primaire voisine de son presbytère de Sainte-Thérèse-de-Gaspé. « La société voudrait que la foi reste à la maison. On dirait qu’on n’a plus le droit de rien dire. Quand tu sors [ta foi], tu passes pour un has-been! »

« Pour être capable d’entrer en contact avec des personnes différentes de nous, juge M. De Blois, il faut comprendre qui on est. Et la culture québécoise a deux piliers : la langue française et la foi catholique. » Ses opinions peuvent étonner chez un jeune prêtre. C’est justement parce qu’il est jeune qu’il pense ainsi, estime M. De Blois.

« Mon bagage n’est pas le même que celui des prêtres plus âgés. Je n’ai pas connu l’avant Concile Vatican II [processus d’ouverture de l’Église, au début des années 60], l’Église omniprésente dans tous les milieux, l’Église triomphaliste. » Certains prêtres se sont faits plus discrets pour s’adapter à la Révolution tranquille et à la laïcisation qui l’a accompagnée, explique-t-il. Lui espère le mouvement contraire. Et il prend les moyens nécessaires.

 

Porte-à-porte

M. De Blois a été nommé curé de Sainte- Thérèse-de-Gaspé, Percé et Val-d’Espoir en 2006. À ses premières messes du dimanche, l’église de Sainte-Thérèse contenait à peine une vingtaine de personnes. « Je ne suis pas là seulement pour ces 20, mais pour les 1050 autres », s’est-il dit. Il a consacré les trois  mois suivants à frapper aux portes de toutes les maisons du village. « Je leur disais : “Je ne suis pas venu recevoir la dîme. Je suis votre nouveau curé et j’ai envie de vous connaître.” J’ai reçu un accueil très positif partout. »

Tony De Blois a été élevé à Sainte-Annedes-Monts. Enfant, il servait la messe avec un groupe de jeunes. « À 15 ans, j’ai dit à ma famille que je voulais devenir prêtre. Au début, tout le monde a ri! »

Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de prêtres de son âge? Selon lui, l’obligation d’être un homme et celle de devoir renoncer à fonder une famille ne sont pas les raisons les plus déterminantes. C’est plutôt que « s’engager pour la vie, ça fait peur. S’engager pour deux ans dans un projet humanitaire, pas de problème, mais s’engager pour la vie, ça arrête bien des gens. »

M. De Blois fait la grimace quand on suggère qu’il est conservateur. « Je n’aime pas cataloguer. J’exerce mon ministère comme l’Église me demande de l’exercer, pas comme je le voudrais. Ça redonne aux gens le sens du sacré, qu’on a perdu un peu. »

Et le col romain, M. De Blois? « Les jeunes prêtres le portent davantage, parce qu’ils ont besoin d’identité. Ça pousse les gens à nous aborder. Si pendant quatre secondes, mon col romain leur fait penser à la religion, ça aura été utile. »

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