Patrimoine immatériel religieux des Basques : Sur les pas des Sœurs des Petites-Écoles

Marjolaine Jolicoeur, L'Horizon presse coopérative des Basques, Basques

Pendant plus d’un siècle, elles ont enseigné à des milliers d’enfants dans nos communautés rurales. La congrégation de ces Sœurs de Notre-Dame du Saint-Rosaire a été fondée à Rimouski en 1879. Autrefois on les appelait les « Sœurs des Petites-Écoles ».

« Je me suis mariée avec le Christ à l’âge de vingt ans », lance sœur Marcelle Roussel. Celle qui œuvre à Saint-Jean-de-Dieu depuis l975, fête ses soixante de vie religieuse. Elle prendra sa retraite en juillet prochain, pour aller vivre à la maison mère de Rimouski.

« Ma vie, ça été d’enseigner auprès des jeunes », dit cette artiste dans l’âme ayant donné chaque semaine des cours de musique et de chant à 650 élèves répartis dans les écoles de Sainte-Françoise, Saint-Médard, Sainte-Rita, Saint-Clément, Saint-Cyprien et Saint-Jean-de-Dieu. « J’ai enseigné la musique au primaire pendant près de treize ans. Je considérais mes élèves comme s’ils avaient été mes propres enfants. Mais on retrouvait beaucoup de discipline dans mes cours, sinon cela aurait été le chaos, comme un orchestre sans chef ! »

 

Une communauté vouée à l’enseignement

Les religieuses du Saint-Rosaire allaient « en mission » dans les milieux ruraux pour enseigner la musique mais aussi les arts, les sciences naturelles, la catéchèse, le français ou l’histoire. À Saint-Jean-de-Dieu, 54 religieuses ont dispensé leur enseignement de 1946 à 1993.

À Saint-Clément, d’autres ont établi en 1953 un pensionnat pour les jeunes filles des rangs désirant compléter leur 8e année ou un cours plus avancé. En 1958, treize d’entres elles habitaient avec les religieuses. À Sainte-Rita, sous les instances du curé Wilfrid D’Amours, des religieuses s’installèrent en 1954 au couvent construit trois ans auparavant. Elles restèrent sur place jusqu’en 1969.

Autour de 1950, dans le diocèse de Rimouski, on dénombrait 88 couvents de religieuses du Saint-Rosaire. Elles formèrent aussi des laïques pour les petites écoles de rang en créant deux écoles normales. Celle de Sainte-Rose-du-Dégelis au Témiscouata, fut la première école normale rurale au Bas-Saint-Laurent, en 1940. Celle de Mont-Joli ouvrit deux ans plus tard.

 

Écoles de rang

Sœur Ida Côté, rencontrée à la maison mère de Rimouski, a été maîtresse d’école pendant quelques années dans un rang de Saint-Médard, puis de Sainte-Françoise, avant d’être religieuse. Au début des années 1950, pour cette jeune fille d’à peine 17 ans, ce n’était pas une vie facile: « L’hiver il faisait très froid, on gardait nos mitaines pendant de longues heures le matin. Quelqu’un allumait le poêle avant notre arrivée. Les enfants se déplaçaient à pied, mais lors d’une tempête les parents les amenaient à cheval. J’enseignais à des enfants de tous âges, aux tout-petits âgés de six ans comme au plus grands qui étaient en 7e année. »

Puis elle a connu les religieuses du Saint-Rosaire de Saint-Jean-de-Dieu. « Depuis toute petite, j’avais un appel pour la vie religieuse ». Elle est maintenant à la retraite après une longue carrière d’enseignante à Rimouski.

 

Un culte marial

Il ne reste plus que 362 religieuses vivant à la maison mère alors qu’il y a soixante ans, elles étaient environ 900. Pour la plupart assez âgées, elles marchent à pas feutrés dans cette magnifique bâtisse aux intérieurs tout en bois construite en 1907.

Une chapelle centenaire sert maintenant pour des concerts de musique. Une autre, plus vaste et récente, est utilisée pour les offices religieux. Le M incrusté dans ses vitraux évoque la dévotion particulière que la congrégation voue à la Vierge-Marie. L’églantine, rose sauvage à cinq pétales symbolisant le rosaire, est représentée à d’innombrables endroits.

Sœur Auréla Cyr, archiviste et guide pour la visite des lieux, explique que la ferveur envers le rosaire est la base de la spiritualité des religieuses, comme l’indique le nom de leur congrégation fondée par Élisabeth Turgeon (1840-1891). « Nous méditons sur les mystères joyeux, glorieux ou douloureux du rosaire », précise-t-elle en nous amenant vers le tombeau de la fondatrice. De nombreuses personnes viennent y prier afin d’obtenir des faveurs par son intercession.

 

Des missionnaires en Gaspésie

Dans une autre partie de l’édifice, un musée ouvert au public raconte l’histoire fascinante de la fondatrice venue de Beaumont en l875. Cinq ans après son arrivée à Rimouski, quatre religieuses iront enseigner en Gaspésie, dans des conditions très difficiles. Des photos d’époque montrent toute la pauvreté sévissant dans ces communautés rurales où bien souvent des enfants marchaient pieds nus jusqu’à l’école, par grand froid.

Par la suite, on retrouvera des missionnaires du Saint-Rosaire sur la Côte-Nord, au Honduras, au Guatemala, au Nicaragua ou au Pérou. « J’ai moi-même enseigné pendant de nombreuses années aux États-Unis avant de revenir vivre ici à la maison mère », indique sœur Auréla Cyr.

Le musée relate aussi l’existence de ces religieuses rimouskoises vêtues d’un voile et d’une longue robe noire qui exerçaient tous les métiers, possédaient une ferme, des animaux et un immense potager, toujours présent à l’arrière de la maison mère. Elles se suffisaient à elles-mêmes et vivaient en autarcie.

Une époque révolue
Sœur Marcelle Roussel se souvient de cette époque pas si lointaine mais cependant révolue. « J’aimais beaucoup mon costume que j’ai porté jusqu’en 1963. C’était chaud l’été, mais on finissait par s’habituer ».

Elle mentionne aussi avoir trouvé très agréable de vivre au couvent de Saint-Jean-de-Dieu avec neuf autres religieuses, de 1975 à 1977. « Une religieuse s’occupait des repas, une autre du lavage ou de la couture. Cela nous donnait du temps pour se consacrer à autre chose que les tâches ménagères. »

Celle qui lit son bréviaire tous les jours et voue un grand intérêt à Saint-Paul, au point d’avoir marché sur ses traces lors d’un voyage en Grèce, est toujours active et pleine d’enthousiasme. Elle continue de visiter les personnes âgées, de faire de l’animation pastorale et de s’occuper de la chorale qu’elle a formée en 1980, « Le Chœur joyeux ».

« Ma porte est toujours ouverte pour venir en aide. Car du monde qui en arrache il y en a beaucoup dans nos villages, beaucoup de souffrance aussi. Mais ces rencontres avec tous ces gens extraordinaires restent toujours très enrichissantes pour moi. »

Après tant d’années à Saint-Jean-de-Dieu, est-ce qu’elle est un peu triste d’aller vivre à Rimouski ? « Non pas vraiment, car comment peut-on être triste de s’en retourner chez-soi ? ». Pendant sa retraite, sœur Marcelle Roussel aimerait se consacrer à la couture et confectionner des vêtements pour les plus démunis. « J’ai toujours la flamme et des projets plein la tête ».

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