Gratuite, l’information ?

Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie

Les citoyens du monde sont bombardés « d’information » gratuite, du moins en apparence. Toutefois, diffuser une information crédible engendre des frais, sauf en de très rares occasions où des gens indépendants de fortune et sans intérêt pour les affaires s’éprennent du métier d’éditeur de publications journalistiques ou de producteur documentaire.

Les grands réseaux publics comme Radio-Canada et sa contrepartie anglophone CBC sont financés par nos taxes et par ce qui devient malheureusement une tendance lourde, les paiements mensuels effectués aux câblodistributeurs et autres fournisseurs de chaînes télévisées.

Les journaux, les stations de radio, qu’elles soient privées ou communautaires, et les stations de télévision dépendent majoritairement de leurs revenus publicitaires pour vivre. Dans certains cas, la publicité représente près de 100 % des entrées de fonds.

Toutefois, une partie grandissante de la population s’en remet essentiellement aux ordinateurs pour écouter de la musique, regarder des émissions, des films, magasiner et communiquer avec d’autres humains.

Ce phénomène a incité un nombre grandissant de médias conventionnels à transférer une partie tout aussi croissante de leur contenu sur Internet. L’inconvénient, c’est que les revenus ne suivent pas. Les publications en ligne ne peuvent convaincre les annonceurs que le nombre de clics vaut autant qu’un journal entrant dans une maison. Ce journal papier est susceptible d’être consulté par cinq personnes, croit-on. Un clic correspond à un individu. Les éditeurs ne peuvent donc facturer le même tarif.

L’espace d’écran est aussi plus difficile à vendre, même à tarif réduit. Cette situation a dérouté bien des patrons de presse. Plusieurs d’entre eux ont prématurément et aveuglément fait le virage vers le cyberespace, souvent pour échouer.

Daily, un journal en ligne, a coulé en perdant 30 millions de dollars. Les recettes générées par la version Internet du Point, une publication française, ne constituent que 1 % de ses revenus totaux.

Le monde de l’information et les gens férus de reportages arrivent donc à un carrefour pour le moins mouvant depuis quelques années.

Il n’y a jamais eu autant d’information disponible, du moins en apparence. Mais de quelle information parle-t-on ? D’un magma sonore et visuel contribuant à étourdir l’auditoire, ou d’un ensemble diversifié de reportages, de nouvelles, de documentaires visant à émanciper et à faire réfléchir le consommateur ?

Les journalistes-pieuvres sont nés, ceux à qui on demande d’écrire, de prendre des photos, de la vidéo, de monter eux-mêmes leur reportage, d’alimenter un blogue, d’écrire des textes d’opinion. Il est permis de se demander si tout ça n’arrive que pour alimenter la « machine », contribuer à soutenir le bourdonnement. Une information de qualité et originale requiert pourtant du temps.

Même des publications traditionnellement sérieuses, en mal de clics, confondent les genres, mêlent potins et articles, travestissent l’information. Les raisons ne sont pas toujours claires. Il y a fort à parier que c’est davantage pour assurer les profits que pour protéger la qualité de l’information.

Tout ceci s’articule dans un contexte où les gouvernements réduisent les dépenses ou les gèlent, une situation qui affecte les grands réseaux publics et, par exemple, les médias de type communautaire. Ce sont souvent eux qui forcent la concurrence à maintenir des salles de nouvelles. Une partie de la solution devra venir d’un processus d’éducation de la population, de la nécessité de distinguer les nouvelles, les reportages fouillés et les affaires publiques du bourdonnement assourdissant des variétés.

L’information éclairée est rarement gratuite. Une analyse du contexte actuel s’impose. Individuellement, il serait judicieux de prendre une sorte de temps d’arrêt, non pas pour s’informer, mais pour s’interroger sur notre façon de faire.

Il a fallu un processus d’éducation populaire pour comprendre qu’on ne pouvait pas envoyer 100 % de nos ordures au dépotoir. Le même exercice de conscientisation s’impose présentement pour réfléchir sur nos sources d’information. Cette information a un prix, qui peut être raisonnable. Il vaut la peine de le débourser.

 

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