À chacun son identité

Anne-Michèle C.-Vermette, L’Itinéraire, Montréal

Pour célébrer le 40e anniversaire du Comité social centre-sud, un organisme d’éducation populaire, une grande fresque photographique recouvre toutes les fenêtres du hall d’entrée de la maison de la culture Frontenac.

Les artistes montréalais Patrick Dionne et Miki Gingras ont fait appel aux gens du quartier afin de créer cette oeuvre à caractère culturel et social, empreinte d’humanité.

Les oeuvres de Patrick et Miki prennent vie grâce à la collaboration des gens. Leur travail s’inscrit dans une démarche d’anthropologie visuelle. S’intéressant à l’humain, ils placent la communauté qui les entoure au coeur de leurs projets artistiques. Après avoir été exposée à Montréal-Nord, Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce, une nouvelle fresque de la série Identité a été créée dans le quartier centresud de Montréal.

S’inspirant de Diego Rivera, célèbre muraliste mexicain, la murale est composée de plusieurs photographies individuelles des citoyens du quartier. «On a demandé à chaque personne de réfléchir sur son identité et de nous en présenter un fragment, de prendre une pose qui les représente. Puis ils écrivaient un mot ou une phrase qui parlait de cette identité et on a fait des liens pour obtenir une belle unité», raconte Patrick tout en se servant une tasse de thé fumant. La fresque colorée comporte des centaines d’images de citoyens, assemblées en un tout cohérent.

Pour Patrick et Miki, la richesse de Montréal se caractérise par une multiethnicité qui les inspire et qui, au fil des ans, a apporté des couleurs différentes à la ville. Des images d’archives sont intégrées à la murale, comme celles d’anciennes usines industrielles du quartier ainsi que des photos d’événements ayant marqué les derniers mois, tels que les manifestations du Printemps Érable. «On veut faire le pont entre l’artiste et la communauté. On veut faire participer les gens à la démarche de création d’une oeuvre,» explique Miki. L’éducation par l’art est une valeur importante pour ces deux artistes montréalais.

 

SNOWBIRDS PARTICULIERS

Patrick et Miki vivent à un rythme plutôt marginal. Contrairement aux snowbirds québécois, ils partent presque chaque printemps pour une durée de quatre à cinq mois en Amérique centrale, à bord de leur winnebago qui change de couleur au rythme des voyages et de leur imagination. «C’est comme être dans une bulle, on est sur la route, on appartient à personne», affirme Miki d’un ton empreint de sérénité. Ce mode de vie nomade leur permet d’alimenter leur créativité dans un contexte différent. «On vit vraiment au jour le jour. Au fil de notre voyage, on rencontre des gens qui nous ressemblent, qui ont les mêmes affinités et qui nous apportent quelque chose de nouveau selon leur culture», ajoute-t-elle. Ils ont choisi l’Amérique centrale parce que pour eux, ce coin du monde représente leurs racines latines que seul le Québec peut se targuer d’avoir, étant bordé de frontières anglophones.

De terre en terre, parcourant les chemins peu fréquentés par les touristes du Mexique, du Nicaragua et du Costa Rica, ce couple d’artistes a collaboré avec des personnes rencontrées sur leur passage en les intégrant à leur création. Ils ont travaillé plusieurs années à l’élaboration d’Humanidad, un recueil qui a pris la forme d’un cahier de voyage rempli de photos prises par les jeunes à qui ils ont enseigné la photographie. Cet enseignement se caractérise par un procédé photographique plutôt particulier? : l’emploi du sténopé, papier photosensible inséré dans une boîte, qui imprime une image grâce aux rayons de soleil. Patrick et Miki utilisaient des boîtes de conserve parce qu’elles sont, selon Miki, «des objets neutres, qui n’ont pas de valeur et que tout le monde peut se procurer. Ça provoque la curiosité des gens et les incite à participer». Avec une simple boîte de conserve, ils créaient des cameras obscuras, des petites chambres noires, que les jeunes utilisaient pour prendre des photos de leurs actions quotidiennes dans les champs. «Tous nos projets sont faits en fonction des gens, on les met à l’avant-plan», souligne Patrick, une vieille caméra Kodak Brownie dans les mains pour illustrer le principe de la camera obscura. Leur travail était d’ailleurs perçu comme de la coopération humanitaire et de l’éducation. Ce n’est toutefois pas ainsi que le conçoivent les deux artistes. Pour eux, leur travail fait partie de leur processus créatif.

«On n’a pas de projet fixe cette année. Ça va être difficile de ne pas partir ce printemps,» confient Miki et Patrick. Le couple d’artistes a plusieurs projets en tête pour les années à venir. Parmi ceux-ci, une recherche sur la signification et l’importance des photos de couples pour les personnes âgées. Ces photos racontent une histoire et leur désir est de les retransmettre. Ils aimeraient  également éditer un livre regroupant plusieurs photos tirées de leurs archives avec un fil conducteur. Le projet rassembleur qu’est Identité pourrait également se retrouver dans d’autres quartiers de Montréal dans les prochaines années. Une chose est sûre?: l’immobilisme n’est pas une option pour ces deux nomades!

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