La sexualité musulmane dévoilée

Anne Michèle C.-Vermette, L’Itinéraire, Montréal

Une œuvre féministe marquante est née en 1996 avec la création de la pièce Les monologues du vagin, qui a été un succès planétaire.

Un nouveau discours sur la sexualité féminine a émergé, mais le sujet n’était pas exploré sous toutes ses coutures. Inspiré de cette pièce, Les monologues voilés abordent un sujet sensible : la sexualité féminine musulmane.

Les monologues voilés dressent le portrait de 12 femmes différentes sous forme de monologues, interprétés avec humour par quatre comédiennes musulmanes. La pièce aborde la sexualité féminine musulmane, considérée comme tabou, en traitant de sujets variés tels que la tradition, l’excision, la virginité, le mariage forcé et la maternité.

L’impression que ces femmes ont une moins grande ouverture au dialogue sur ce sujet est commune chez les femmes occidentales. Pourtant, les femmes musulmanes parlent beaucoup de sexualité entre elles. Les mères l’enseignent et en parlent à leurs filles. «Le plus drôle, c’est que les femmes arabes parlent plus facilement de leur vie érotique et sexuelle que les femmes hollandaises», s’étonne au bout du fil Adelheid Roosen, scénariste, actrice et metteure en scène néerlandaise qui a écrit Les monologues voilés. C’est moi qui était gênée d’en parler avec elles!»

Les monologues voilés ouvrent ainsi la porte au dialogue et contribuent à démystifier les tabous que sont certaines pratiques et traditions de la sexualité féminine musulmane afin de rendre ce monde accessible aux femmes occidentales. «C’est une différence partagée, parce que finalement, toutes les femmes ont des histoires particulières. Cette pièce parle de toutes les femmes en donnant la parole à celles qui ne l’ont pas ou qui ne la prennent pas», affirme Hoonaz Ghojallu, une des quatre comédiennes de la version francophone de la pièce.

Le regard posé par les femmes occidentales sur les femmes orientales musulmanes est à la base même de cette pièce. Adelheid Roosen s’est intéressée à cette culture féminine après avoir travaillé sur un projet théâtral avec des femmes marocaines.

Aux Pays-Bas, sur une population de 17 millions d’habitants, plus d’un million de personnes ont des origines turques, marocaines ou iraniennes. Dans les années 1970, ces populations sont arrivées aux Pays-Bas afin de combler un manque de main-d’oeuvre. Adelheid Roosen avait un désir ardent de découvrir une partie de l’histoire de son pays qui est parfois passée sous silence. «En travaillant avec des femmes musulmanes, j’ai commencé à visiter leurs familles et j’ai réalisé qu’il y a une partie de la société néerlandaise que je ne connaissais pas. J’ai découvert plein de choses intéressantes et je me suis dit : “Mon Dieu, je ne connais pas les gens qui vivent dans mon propre pays!”», s’exclame Mme Roosen. Pour rédiger la pièce, la dramaturge a fait des recherches et a rencontré près de 74 femmes musulmanes néerlandaises. «Pour la première fois de ma vie, je me sentais comme une touriste dans mon propre pays. C’est un paradoxe de ne pas connaître ses voisins musulmans dans un si petit pays», ajoute-t-elle.

La pièce a reçu des échos différents dans les pays où elle a été présentée. Certaines femmes musulmanes regrettaient d’y avoir assisté alors que d’autres repartaient avec un sentiment de libération. «Aux Pays-Bas, ce fut une sorte de coming out», explique Adelheid Roosen. Ce sujet, tabou et méconnu des femmes occidentales, n’avait jamais vraiment été abordé sous forme théâtrale. Selon Roxanne Marcotte, professeure au département des sciences des religions à l’UQAM, «cette pièce donne une voix à l’expérience intime des femmes musulmanes vivant en occident, là où parler de ces choses n’est plus tabou».

 

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