Une dernière chance vers un monde nouveau

Anne Michèle C.-Vermette, l’Itinéraire, Montréal

Chaque année, le Canada accueille 40 % des demandeurs d’asile désirant s’y réfugier. Parmi eux, des homosexuels persécutés dans leur pays et que sentent que leur sécurité est menacée.

L’Office national du film (ONF) a suivi le parcours de cinq demandeurs d’asile homosexuels dans le documentaire Une dernière chance, qui prend l’affiche le 7 décembre.

Au Canada, l’homosexualité est acceptée et peut être vécue aux yeux de tous, sans qu’il soit nécessaire de se cacher, et elle n’est pas réprimée. La loi légalisant le mariage gai, adoptée en 2005, a été un grand pas en avant pour notre société. Cependant, cette situation ne va pas de soi dans de nombreux autres pays.

En Égypte, par exemple, l’homosexualité est considérée comme un crime. «Il faut vivre son homosexualité complètement caché, en étant marié avec quelqu’un du sexe opposé, en ayant des enfants, etc. L’amour, les relations et le mariage, c’est impossible. C’est comme au Québec… il y a 50 ans!», raconte Zaki Saad Zaki Abdal Malak, protagoniste du documentaire Une dernière chance et réfugié égyptien ayant
fuit son pays à cause de persécutions.

Le documentaire de Paul Émile d’Entremont, cinéaste et journaliste acadien, présente le témoignage de cinq réfugiés provenant de pays différents mais au parcours similaire, marqué par la persécution et la réfutation de leur orientation sexuelle. Le film se veut un message d’espoir. «Je voulais que mon expérience soit dévoilée, parce que beaucoup de gens passent par là. Je veux dire à ces personnes : «regardez, ce n’est pas si difficile». On pense que ça ne finira jamais, mais maintenant je suis au Canada, ça va bien, il y a toujours de l’espoir», lance Zaki, établi depuis 2006 à Montréal.

Ce sujet touchait personnellement Paul Émile d’Entremont, lui-même étant homosexuel. Une discussion avec son chauffeur lors d’un voyage en Jordanie l’a convaincu de faire ce documentaire. Le cinéaste lui avait demandé s’il y avait des homosexuels dans le pays. Après quelques secondes de réflexion, le chauffeur a affirmé qu’aucun homosexuel ne vivait en Jordanie. «Ça m’a un peu choqué, mais je savais aussi que c’était commun comme perception là-bas. D’ailleurs, quelques années plus tard, on a entendu le président de l’Iran dire exactement la même chose à New York, comme quoi il n’y avait pas d’homosexuels en Iran. Donc ça fait deux pays où il n’y a pas d’homosexuels», ironise le cinéaste.

 

Obtenir le statut de réfugié

Des lois internationales ont été créées afin de protéger les homosexuels qui font face à de la violence, du mépris, du rejet, de la torture ou de l’injustice dans leurs pays. «Parce qu’il accorde de l’importance aux considérations humanitaires dans son accueil des immigrants, le Canada offre asile à des personnes persécutées», explique Idil Atak, chercheure postdoctorale à la Chaire de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté de l’UQAM. Afin d’obtenir ce statut, le Canada et les autres pays d’accueil doivent tenir compte de plusieurs critères. Ces motifs peuvent être la religion, la langue, la nationalité ou l’appartenance à un certain groupe social. L’orientation sexuelle fait partie de cette dernière catégorie.

La demande d’asile n’est pas une démarche sans embûche. Ce n’est qu’une fois dans le pays d’accueil que les arrivants pourront faire une demande de statut de réfugié. Ils devront prouver leur orientation sexuelle et entreprendre des démarches juridiques pour la collecte de preuves. Pour les réfugiés, souvent atteints d’un traumatisme psychologique, ce processus est long et pénible. La peur d’être renvoyés dans leur pays d’origine est constante.

Malgré la complexité de ces démarches, le résultat en vaut la chandelle, selon Zaki et les autres réfugiés suivis dans Une dernière chance. À cause de son orientation, Zaki a fait de la prison en Égypte. À sa sortie, il avait un casier judiciaire, ce qui lui mettait des bâtons dans les roues pour se trouver un emploi. «À ma sortie de prison, j’ai perdu ma liberté, les gens me regardaient avec la honte sur leur visage. Ici, je me sens dans un nouveau monde, dans une nouvelle vie, tout le monde me respecte. C’est incroyable pour moi.»

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