Du petit au meilleur

Julien Milot, Autour de l’île, l’île d’Orléans

Scandale des commandites, escouade Marteau, unité permanente anticorruption, commission Charbonneau, délations et démissions-choc, l’actualité des dernières années a été fertile en copinages et magouillages de toutes sortes. Rappelons-nous le 4 octobre 2010, alors que la page couverture du Magazine Maclean’s affichait le Bonhomme Carnaval, une mallette débordant d’argent à la main, avec en titre : « La province la plus corrompue du Canada ». Aussitôt publiée, la revue faisait scandale d’un bout à l’autre de la province et soulevait l’ire des défenseurs d’un Québec puritain et de l’affront à notre emblème carnavalesque. Mais aujourd’hui, qui oserait encore décrier si fort ce pseudo scandale ? Force est d’admettre que le message de fond soulevé par Maclean’s était probablement juste…

 

LE CULTE DU « PETIT »

Ce que nous voyons aujourd’hui n’est que le fruit des choix politiques et sociaux passés du Québec. Il ne s’agit que de la résultante d’une approche idéologique cultivée en nos terres depuis des décennies.

L’origine des maux actuels relève d’un culte, le culte du « petit ». Une vision très québécoise qui suggère un idéal social égalitaire : accès illimité pour tous, égalité entre les tranches sociales, invention de la classe « moyenne », financement des moins nantis et surimposition des plus riches. Au fil des décennies, cette approche a donc forgé cette société où l’excellence, la performance et la réussite sont devenues des facteurs dégradants et démotivants pour ceux qui osent sortir de la masse.

Au Québec, on ne valorise pas l’excellence et le dépassement des limites, on ne cherche pas à travailler plus pour atteindre le peloton de tête. Bien loin du « think big » américain, on s’efforce de trouver des solutions pour en faire moins ou encore pour éviter que son prochain n’aille au-devant de soi. C’est là le culte du « petit ». Quiconque aura voyagé un tant soit peu à travers le monde aura remarqué à quel point ce concept du « petit » est bien québécois et ancré non seulement dans notre vocabulaire, mais aussi nos mœurs : « Viens-tu faire un petit tour ?, Il tombe une petite neige…, Je vais faire un petit lavage, Il a une petite toux, ou encore, Je vais aller faire une petite marche. Autant d’expressions où l’usage du mot « petit » n’a aucune valeur si ce n’est de solidifier cette pensée minimaliste. On en est même un jour venu à ajouter cet adjectif dévalorisant au nom d’un fromage…

 

 

LE PLUS BAS SOUMISSIONNAIRE

Mais quel lien existe-t-il entre ce concept et la mise au jour des multiples dossiers de corruption que nous vivons actuellement ? Fort simple. Le système de gouvernance publique ne confère aucune valeur à la qualité, mais contribue plutôt à prêter main-forte à ce concept du « petit ».

Selon le principe de base de la Loi 17 régissant les contrats des organismes publics, tout contrat gouvernemental doit être octroyé à l’entrepreneur ayant soumis le plus bas prix. Une approche qui a donc pour conséquence de favoriser un nivellement par le bas.

Devant adhérer à ce modèle afin d’obtenir de lucratifs contrats publics, les entrepreneurs n’ont eu d’autre choix que de dévaloriser leurs projets, d’exploiter les failles des devis de performance puis de corrompre les donneurs d’ouvrages afin de tirer profit de la situation, reléguant ainsi la qualité au dernier rang.

Le Québec s’est donc doté de bâtiments et d’infrastructures routières tous calqués sur ce principe avec pour conséquence directe la détérioration accélérée de nos ouvrages publics ; mais pire encore, la propagation d’une gangrène étatique trouvant sa source dans l’escroquerie. Tout cela contribuant ainsi à la valorisation du culte du « petit ».

 

CHANGEMENT DE PARADIGME : DU MOINS CHER AU MEILLEUR

La solution est à la fois simple et complexe : un changement de paradigme. Valoriser la qualité, le dépassement et l’innovation. Encourager les initiatives et ne tolérer aucune médiocrité. Sélectionner les entrepreneurs à l’aide d’une pondération qualitative, ce qui aura tôt fait d’écarter les entreprises négligentes et les travaux bâclés. Il s’avérerait aussi important d’appliquer une éthique coercitive pour les sous-traitants fautifs et ne tolérer aucun dépassement de coûts.

 

L’ÉLOGE DE L’EXCELLENCE

En outre, ce changement radical doit aller bien au-delà de la législation dans le secteur de la construction. Les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’entreprise privée et la population en général doivent emboîter le pas dans un changement de vision radical qui doit faire l’éloge de l’excellence, permettre de retrouver une confiance en nos moyens et se refuser à une vision étroite et minimaliste. Voilà la clé d’un Québec prospère, efficace et résolument tourné vers l’avenir.

 

classé sous : Non classé