Télé numérique de Radio-Canada : pas pour les Gaspésiens

Geneviève Gélinas, Graffici, Gaspésie

Des Gaspésiens se sentent abandonnés par Radio-Canada, qui n’a pas fait le passage de la transmission analogique au numérique dans la région. Et la solution de rechange, Shaw Direct, dont ils peuvent se prévaloir jusqu’au 30 novembre, ne satisfait pas tout le monde.

Jusqu’à récemment, Marie-Hélène Bergeron faisait partie des 9 % à 10 % de la population qui se passait d’un abonnement télé par câble ou par satellite. Cette résidante de Gaspé captait Radio-Canada avec de bonnes vieilles oreilles de lapin. Mais en revenant de vacances en août, elle a eu une mauvaise surprise. « Je ne captais plus Radio-Canada ! J’ai farfouillé dans mes instructions, j’ai demandé de l’aide à mon fils qui est plus “techno” que moi… »

Rien à faire : son décodeur numérique capte CHAU-TVA, Télé-Québec et V, mais pas la société d’État. Un technicien de Radio-Canada éclaire finalement sa lanterne : le 1er août, la SRC a éteint le signal de ses 27 émetteurs analogiques en Gaspésie (21 en français et 6 en anglais). Sur la péninsule, Radio-Canada n’a installé aucun émetteur numérique. Le plus proche est à Rimouski, et couvre jusqu’à Baie-des-Sables.

C’est « inéquitable », juge Mme Bergeron. « On paie nos impôts au même titre que les Montréalais et les Rimouskois, mais on ne reçoit pas les mêmes services. »

 

La solution de rechange : Shaw Direct.

Ce distributeur de télévision par satellite offre un service gratuit pour cinq ans aux gens qui n’ont pas été abonnés à un service payant dans les trois mois précédents. Ce n’est pas l’idéal, selon Mme Bergeron. « La soucoupe est garantie trois mois. Si elle brise ou que je déménage, il faut que je paie un technicien à 75 $ de l’heure. » Et Shaw a beau promettre « de la programmation locale », il transmet les émissions (et donc  les bulletins de nouvelles) de la station de Radio-Canada à Montréal, plutôt que celles de Rimouski, où la société d’État vient pourtant d’investir 10 millions de dollars dans un centre de production radio-télé.

Mme Bergeron se plaint aussi de la confusion liée au message martelé à la télévision pendant des mois, qui présente le décodeur numérique comme une solution. Sur la foi de ces messages, Louis Morin, de Douglastown, s’est acheté deux décodeurs pour ses deux téléviseurs. « On a peut-être été naïfs, on pensait bien faire. [.] J’ai trouvé que ce n’était pas honnête de ne pas diffuser la possibilité gratuite avec Shaw », dit-il. Par la suite, un technicien de Shaw est venu chez M. Morin pour installer une soucoupe.

 

Sans succès : le signal bute sur ses arbres.

Le député néo-démocrate de Gaspésie Îles-de-la-Madeleine, Philip Toone, a jugé nécessaire d’annoncer lui-même à ses concitoyens que l’option Shaw existait, via un envoi postal. Il a reçu plus de 100 commentaires de Gaspésiens, qui n’étaient pas au courant jusque-là. M. Toone déplore le non-passage au numérique de la société d’État en Gaspésie. « C’est très malheureux, et c’est mal interpréter le mandat de Radio- Canada, qui est censé desservir toute la population. » Il blâme le gouvernement conservateur, qui a coupé une partie des vivres à Radio-Canada. « Ce sont les répercussions d’un gouvernement qui ne croit pas aux arts et à la culture. »

Seulement 5 % et 7 % des Canadiens utilisaient encore les oreilles de lapin (9 % chez les francophones, selon le ministère de la Culture et des Communications du Québec), justifie Radio-Canada. Et les territoires non desservis par le numérique (dont la Gaspésie) regroupent seulement 1,7 % de la population canadienne. « Investir des centaines de millions de dollars dans une technologie peu utilisée, ça n’aurait pas été une bonne utilisation de nos ressources », réagit Angus McKinnon, porte-parole de Radio-Canada. Chaque émetteur numérique coûte 1 million de dollars à installer, ajoute-t-il. Quant à la confusion sur l’utilité d’un décodeur, M. McKinnon l’explique par la nécessité « d’informer du changement dans un message de 30 secondes ».

Chez Shaw, on promet d’offrir la station de Rimouski aux abonnés « au début de 2013 ». La compagnie a aussi demandé au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) d’allonger d’un an le délai pour se prévaloir de l’offre gratuite. Pour l’instant, la date limite demeure le 30 novembre. Shaw rapporte avoir abonné 150 Gaspésiens jusqu’ici.

 

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