L’Horizon Presse coopérative des Basques, Basques
Nous avions pris rendez-vous pour une entrevue afin de discuter de la parution de sa récente autobiographie : Au nom de la dignité : Parcours d’un théologien agronome et animateur rural (Éditions du GRIDEQ). Le destin en a décidé autrement. Gilles Roy, grand défenseur du monde rural, est décédé le 3 octobre dernier. Il avait 84 ans.
L’itinéraire de cet « ex-prêtre en colère » et de ce citoyen engagé dans le milieu social et communautaire du Bas-Saint-Laurent est peu banal. C’est l’histoire d’un visionnaire dont les idées sont plus que jamais d’actualité.
À la fin des années ‘60, le gouvernement du Québec, dans une « expérience-pilote de déménagement » veut fermer une centaine de localités jugées non-rentables et relocaliser 64 446 personnes. Plusieurs de ces villages se trouvent en Gaspésie, dans le Témiscouata mais aussi dans les Basques comme Sainte-Rita, Sainte-Françoise, Saint-Médard et Saint-Guy.
Entre 1969 et 1972, dix localités disparaissent avec son lot de maisons brûlées et de familles relocalisées dans des habitations à loyers modiques, sans perspective d’emplois valorisants permettant d’assurer leur avenir.
Soixante-cinq villages de l’Est du Québec se regroupent pour protester contre ces fermetures et des manifestations s’organisent. Trois « curés en colère », dont Gilles Roy, prennent part aux Opérations Dignité, un mouvement de résistance et d’action sociale.
« Prendre parti pour les plus démunis, être leur porte-parole mais les habiliter à prendre la parole, lutter pour la justice, l’utilisation équitable des ressources du milieu et la survie des collectivités menacées : tels étaient les objectifs de ce mouvement », écrit Gilles Roy dans son autobiographie.
Dignité et liberté
C’est en 1972 que Gilles Roy prend la tête des Opérations Dignité III dans le village Les Méchins parce que, dit-il, « les habitants des régions rurales doivent pouvoir intervenir dans les choix qui les concernent en tant que personnes actives, agissantes, responsables sur le plan politique, économique et social. »
Face à la pression populaire, le gouvernement renoncera finalement à son plan global de relocalisation. Et l’impact des Opérations Dignité marquera profondément la région bas-laurentienne et même tout le Québec.
Occupation du territoire
Par la suite, Gilles Roy se retrouvera dans la création des coopératives agricoles et forestières au JAL (regroupant Saint-Juste, Auclair et Lejeune).
Au début des années 90, il sera aussi un membre fondateur de la Coalition urgence rurale dont les principes visent, entre autres, l’occupation du territoire, la gestion des ressources dans une optique de développement durable ainsi que le maintien et l’amélioration des services.
Plus récemment il s’est impliqué dans la Maison familiale rurale du Bas-Saint-Laurent de Saint-Clément en tant que président d’honneur de la Fondation de l’organisme, ainsi qu’avec le Centre de mise en valeur des Opérations Dignité (COD), à Esprit-Saint.
Un prêtre qui se marie
Ce détenteur de formations en agronomie et en développement régional était aussi un théologien qui a remis en question son célibat de prêtre.
En l974, quelque temps après son mariage avec Jeanne Saint-Louis qui venait de quitter la communauté des Sœurs du Saint-Rosaire après quatorze années de vie religieuse et possédait, elle aussi, une formation en théologie, Gilles Roy déclarait dans une entrevue à Radio-Canada : « Je me considère toujours comme prêtre (Sacerdos in aeternum) même si je suis sorti, je dirais, de la structure, ce qui a été assez laborieux (…) ce que je vis, aujourd’hui, pour moi est tout simplement la poursuite de ma recherche, de mon action. »
Lors de cette même entrevue, il se questionne sur la place de la femme dans l’Église et conteste fortement « cette absence de 50 % du peuple chrétien dans l’élaboration de la pensée de l’Église, de la pensée théologique, de la pastorale et de la vie en général de l’Église. Personnellement, j’accepte difficilement cette situation qui ne s’améliore que très, très lentement… Il manque des valeurs, à ce moment, des richesses que peut apporter la femme. »
Un visionnaire
Gilles Roy aura été un visionnaire dans ses concepts de développement local où l’on ne doit pas oublier les dimensions humaines et écologiques : « Le développement, ce n’est pas seulement une question de croissance économique, de comptabilité et de gros sous ».
Et il croyait, en tant que chrétien engagé, que le défi « c’est l’incarnation des valeurs de justice, de paix et d’amour dans un monde souvent déchiré où l’homme et la femme éprouvent de la difficulté à retrouver leur dignité. »