La Gaspésie en position de force?

Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie

Si la Gaspésie n’arrive pas à se faire entendre d’ici le prochain scrutin par le nouveau gouvernement du Parti québécois, elle n’y parviendra jamais.

Le Parti québécois doit une fière chandelle au vote des Gaspésiens et des Madelinots. Cette formation a gagné les élections notamment grâce au fait que les circonscriptions de Gaspé, Bonaventure et des Îles-de-la-Madeleine ont exprimé leur confiance à l’endroit des candidats Gaétan Lelièvre, Sylvain Roy et Jeannine Richard, qui ont renversé les élus libéraux en place.

Si les trois circonscriptions n’avaient pas basculé dans le camp péquiste, c’est un gouvernement libéral qui aurait été reporté au pouvoir. Pour Pauline Marois, ce scénario aurait sans doute signifié la fin de sa carrière politique. Il y a bien sûr 51 autres circonscriptions au Québec qui ont supporté le Parti québécois, mais  il n’existe pas d’autre exemple de signal régional aussi clair que celui lancé en Gaspésie et aux Îles. Bien sûr, il ne s’agit pas de dicter une ligne de conduite à Mme Marois. Il est toutefois clair qu’elle « en doit une » à la région, en fait aux régions du Québec.

Ces régions, mis à part les débats portant sur le Plan Nord, ont été souvent oubliées lors de la campagne. Les enjeux de la Gaspésie font partie de cet ensemble. Ce n’est pas étonnant, considérant qu’à peine 1,2 % de la population québécoise vit en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine.

Toutefois, il aurait été sage pour les trois principaux partis de mieux camper les enjeux régionaux, qui rejoignent par la bande les priorités gaspésiennes. Ces enjeux oubliés sont nombreux. L’industrie de la fabrication de composantes éoliennes et de la construction de parcs éoliens fonctionne à plein régime, mais la période après 2015 reste incertaine. Ce n’est pas souhaitable pour une filière en émergence, associée à une forme d’énergie appelée à jouer un rôle déterminant dans l’échiquier mondial pour des décennies.

L’annonce de l’ex-premier ministre Jean Charest des 700 mégawatts récupérés des premiers appels d’offres d’Hydro-Québec était habile, mais le flou caractérisant le type de déploiement qui sera choisi pour ces futurs parcs éoliens est navrant. Il aurait été judicieux de savoir quelle sera la place des projets communautaires dans ces 700 mégawatts, parce qu’ils sont ceux ayant le meilleur impact pour les populations locales.

Les pêches et le tourisme, des enjeux qui ne rejoignent pas que la Gaspésie et les Îles, ont aussi été évacués pendant la campagne nationale.

Pourtant, le gouvernement fédéral prépare une « modernisation » de l’industrie des pêches – une industrie qui génère 250 millions de dollars par année – qui ouvrira la porte à l’achat par des usines de permis côtiers et semi-hauturiers de capture. Ce facteur pourrait grandement diminuer la compétition, donc les revenus des pêcheurs et, du coup, la vitalité des communautés. Le tourisme demeure une activité rapportant 250 millions de dollars par année dans la région administrative Gaspésie Îles-de-la-Madeleine. Sans tomber dans le défaitisme, cette industrie stagne et elle a besoin d’être stimulée.

La performance des libéraux dans la région n’a pas été mauvaise sur le plan économique depuis l’élection de 2007. Le taux de chômage régional a chuté de plusieurs points, un mouvement amorcé sous le règne du Parti québécois en 2002.

L’économie de la région a toutefois trop souvent été laissée au hasard de mesures concoctées à la dernière minute, sans vision à long terme. Ce fut notamment le cas pour l’industrie forestière et les infrastructures de transport.

En forêt, il est ahurissant de constater que la crise dure depuis bientôt sept ans et que les mesures pour la combattre émergent à la pièce. Comment expliquer que le réseau ferroviaire gaspésien soit inactif entre New Carlisle et Gaspé depuis décembre? Le gouvernement libéral a débloqué 17 millions de dollars pour deux ans afin de le réparer, mais si cette somme doit être dépensée en moins de temps pour rétablir le service, qu’on le fasse! Oui, Ottawa végète dans ce dossier, mais l’attente n’est plus une solution. Il y aura moyen de coincer l’État fédéral au tournant, avant l’élection de 2015.

Le vote des Gaspésiens traduit une certaine impatience face à cette gestion à la petite semaine des libéraux.

Ce vote explique sans doute aussi le triomphe modéré des candidats Lelièvre et Roy. Ils savent que des attentes considérables suivront leur victoire, et ces attentes nécessiteront un travail intense. Ils devront se rappeler que la Gaspésie est en position de force, s’ils jouent bien leurs cartes.

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