Christine Emond, L’Itinéraire, Montréal
Depuis juillet et jusqu’en septembre, dix «cyclorécupérateurs», qui proviennent de la Maison du Père, ont été embauchés pour ramasser des cannettes dans les parcs et au centre-ville de Montréal. Un projet de réinsertion sociale nommé ACTION VÉLO CITÉ.
Selon Yvon, un participant, ACTION VÉLO CITÉ est un projet «super enrichissant personnellement, parce que ça donne de l’estime de soi. Tu as l’impression de faire quelque chose de vraiment bien». Pour les dix participants à ce nouveau projet, se voir confier un vélo pour tout l’été et en prendre soin est une fierté.
Les dix «cyclorécupérateurs» partent de la Maison du Père le matin pour se rendre jusqu’au parc du Mont-Royal. En chemin, ils font des arrêts au parc Laurier et au parc Lafontaine. Au retour, ils font le chemin inverse. «C’est un travail d’équipe, ils partent au moins en groupe de deux et ils se séparent seulement quand ils font leur route personnelle», explique Normand Bisson, directeur des finances chez Boissons Gazeuses Environnement et initiateur du programme CONSIGNaction, duquel découle ACTION VÉLO CITÉ. Ils traînent dans leurs déplacements leur remorque fabriquée par la compagnie Cycles Union, qui a travaillé fort pour mettre au point des remorques adaptées aux besoins des participants. Avant de se lancer à l’assaut des rues, les participants ont reçu une formation sur les règles de sécurité à vélo, puisqu’ils tirent une grosse charge.
UN TRAVAIL
Les participants choisis sont déjà avancés dans leurs démarches de réinsertion sociale. Lors de leur séjour au Transit, une initiative de la Maison du Père qui vise à aider les hommes vivant des difficultés temporaires à se sortir du milieu de l’itinérance, ils doivent respecter un plan d’intervention et suivre des ateliers. Ils sont rémunérés par BGE par le biais de la Maison du Père. «C’est important pour nous que le projet ne soit pas mené que par des bénévoles dont les disponibilités sont souvent instables. On veut que les participants voient ACTION VÉLO CITÉ comme un travail, pour lequel ils doivent se lever tous les matins. Ça aide leur cheminement», souligne Normand Bisson.
Le projet est un tremplin pour certains participants. Ils se découvrent des aptitudes et des passions qu’ils ne se connaissaient pas. «Un des participants hésitait à travailler à l’extérieur, parce qu’il redoutait d’être questionné par le public, raconte Catherine Fortier, responsable de la communication et des partenariats au Consortium Écho-Logique. Quand il a vu que les gens venaient vers lui, l’air intéressé, avec des questions comme "qu’est-ce que tu fais?", "Pourquoi tu ramasses ça?", ça lui a vraiment donné confiance en lui. Il s’est dit "les gens s’intéressent à moi assez pour discuter 5-10 minutes; je ne repousse pas les gens." Aujourd’hui, ce participant se cherche un emploi en service à la clientèle. Il a découvert qu’il aimait interagir avec les autres.»
«Il faut avoir du respect pour ces gens-là, ajoute Normand Bisson. Parce que c’est bien plus facile de ne rien changer que d’essayer de changer. Si nous pouvons contribuer d’une certaine façon en leur offrant un travail, quand ils seront prêts à repartir, ils pourront mettre dans leur CV qu’ils ont fait ACTION VÉLO CITÉ.» Une belle relation s’est d’ailleurs développée entre les participants et leur employeur. «J’ai jamais vu un boss de même, d’habitude un boss, c’est fatiguant, c’est méchant, ça donne quasiment des coups de fouets; eux, c’est complètement le contraire, a rapporté Yvon, un participant, lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada. Ils sont tout le temps à l’affût, aux petits soins. On est bien ici.»
Depuis le début du projet, les participants ont été assidus et il y a eu très peu d’abandon. «Le noyau dur est toujours là. Il y a même des gens à la Maison du Père qui leur posent des questions quand ils les voient partir le matin et astiquer leur vélo, dit en souriant Catherine Fortier. On voit que ça a créé un intérêt et c’est un peu contagieux. D’autres gens espèrent pouvoir le faire aussi.»
Chez BGE et au Consortium, on souhaite la même chose : agrandir le projet l’an prochain. «Nous aimerions y inclure des commerces, précise Normand Bisson. Peut-être même passer à des endroits au niveau de la voie publique et des parcs. À plus long terme, nous aimerions le faire ailleurs qu’à Montréal.» Catherine Fortier abonde dans le même sens : «En région, il y a également des cannettes et des matières générées. Ça pourrait être un projet en simultané. Le Consortium est actif au Québec au complet et nous avons déjà beaucoup de contacts.» Un projet en partenariat avec la Commission scolaire de Montréal est également envisageable, peut-être dès l’an prochain. «Nous aimerions pouvoir offrir une formation pour compléter le travail qui est offert, ajoute Catherine. La formation aiderait les participants à aller chercher une plus grande expertise dans le milieu du travail.»
LA NAISSANCE D'ACTION VÉLO CITÉ ET DE CONSIGNACTION
Boissons Gazeuses Environnement (BGE) a mis en place ce projet qui rallie réinsertion sociale et environnement, en collaboration avec le Consortium Écho-Logique. «L’idée m’est venue l’année passée, quand j’ai amené de la famille de l’extérieur du pays à la fête du Canada», se souvient Normand Bisson.
Les postulants à ACTION VÉLO CITÉ doivent déjà être motivés et actifs. «Il y a une association qui se fait assez naturellement entre les cannettes et les itinérants. Ce que nous avons réalisé en parlant avec les gens de la Maison du Père, c’est que les itinérants qui dorment dans les parcs ne sont pas nécessairement la clientèle cible par rapport à une activité organisée», précise Normand Bisson. Il a donc été décidé de travailler uniquement avec les gens qui sont déjà en phase de réinsertion sociale au programme le Transit de la Maison du Père.
LA RÉINSERTION SOCIALE, UN EXEMPLE À SUIVRE
Catherine Fortier, responsable de la communication et des partenariats au Consortium Écho-Logique et Normand Bisson, directeur des finances chez Boissons Gazeuses Environnement et initiateur du programme CONSIGNaction, duquel découle ACTION VÉLO CITÉ, encouragent d’autres entreprises à suivre leur exemple et à intégrer davantage de programmes de réinsertion sociale et professionnelle à leur arc. «Nous avons maintenant au Consortium des employés qui travaillent temps plein et qui proviennent des phases tests de réinsertion sociale, expose Catherine. Ça va super bien avec eux et c’est vraiment profitable. C’est fou l’expérience que ces gens ont dans leur bagage et ce serait difficile de trouver la même chose chez des postulants. Ces gens-là ont tellement de choses à offrir qui ne sont pas nécessairement répertoriées sur le marché du travail et ces programmes nous permettent de le réaliser.»