Frédéricke Chong, échos Montréal, Montréal
Après plus de trente ans de carrière, Denis Marleau, directeur du Théâtre Ubu, monte pour la première fois une pièce de théâtre classique. Les Femmes savantes de Molière, jouée tout l'été en France dans le cadre des Fêtes nocturnes du Château de Grignan, sera présentée au Théâtre du Nouveau Monde du 2 au 27 octobre prochain. Rencontre avec ce metteur en scène d'expérience.
Si Denis Marleau a décidé de transgresser la pratique qu'il s'était donné de ne pas faire de théâtre classique, surtout provenant du répertoire français, c'est d'abord et avant tout grâce à sa découverte du Château de Grignan et de son histoire. « Par association, je me suis rendu compte qu'une femme savante avait habité le lieu, Madame de Sévigné. Avec sa fille, qui était la Marquise de Grignan, elle a développé une longue correspondance quand elle était à Paris, précise-t-il. Elle allait lui rendre visite de temps en temps et elle a fini ses jours dans ce château. »
La pièce, qui a été présentée en plein air devant la façade de cette demeure, reprendra la même idée sur la scène du TNM. « Normalement, on monte toujours Les Femmes savantes dans un salon. Là, tout se passe à l'extérieur.» C'est également ce château qui a inspiré en grande partie sa mise en scène. « Il y avait l'idée d'un projet qui intégrerait le château. Ou bien on se laisse impressionner par la façade, ou bien on joue avec [elle]. Pour moi, c'était un défi de ne pas seulement jouer devant une façade, mais de l'utiliser », soutient-il. Denis Marleau promet d'apporter un peu de cet air de Provence dans la couleur de sa scénographie, entre autres par des projections qui rappelleront le ciel bleu et le paysage de Grignan.
L'ÉMANCIPATION DES FEMMES
Le metteur en scène s'est intéressé au côté actuel du texte de Molière et à sa résonance dans notre réalité. Monter Les Femmes savantes de nos jours, c'est aussi réfléchir au rôle de la femme dans la société. « Les Femmes savantes ont raison de vouloir s'émanciper, fait valoir Marleau. Elles se laissent simplement un peu berner, séduire par quelqu'un qui abuse de leur désir de s'ouvrir au monde.» Si certains metteurs en scène peuvent présenter ces personnages féminins de façon caricaturale, ce n'est pas son cas : « Ce sont des femmes que j'aime. Elles considèrent qu'elles s'élèvent au même titre que les hommes. En ce sens-là, c'est un courant de libération, d'émancipation qui est tout à fait légitime. »
Dans Les Femmes savantes de Denis Marleau, la pièce se transpose dans les années 50. « J'ai cherché à trouver des référents plus personnels. J'ai pensé à ma mère, à ses jupes volantes. Une mode très féminine, très avantageuse. À ce moment-là, rappelle le metteur en scène, on avait une idée de la femme très idéalisée. Le courant féministe n'en était qu'à ses balbutiements. » Denis Marleau joue avec les temporalités et évoque cette époque, qui à sa façon rappelle l'époque classique.
UNE DISTRIBUTION BÉTON
La pièce sera portée par des acteurs chevronnés qui ont déjà travaillé avec Denis Marleau, comme Christiane Pasquier, Carl Béchard et Henri Chassé. « L'idée de la troupe était quelque chose de très fondamental. J'ai eu envie de réunir autour de moi des acteurs qui étaient plus proches de la pratique que moi, qui avaient déjà une pratique de cet auteur.» L'importance de l'esprit de famille dans la pièce y joue également pour quelque chose. C'est en quelque sorte un rappel à la troupe de Molière que fait Denis Marleau, qui n'écarte pas la possibilité d'un jour remonter un texte de cet auteur généreux.