Pierre Routhier, Le P’tit Journal de Malartic, Malartic
Le téléphone au mur, quoique de moins en moins populaire, résonne à une fréquence beaucoup plus soutenue depuis un certain temps. Si ce n’est pas une compagnie de cartes de crédit qui nous offre une assurance pour nos valises de voyages ou une firme de sondages qui veut connaître nos habitudes alimentaires, c’est un parti politique qui veut savoir nos intentions de vote le 4 septembre. Ça donne comme la fausse impression d’être populaire.
Quand c’est un pedleur qui appelle, je le reconnais dès la première phrase à cause de cette manie de lire son texte ou la façon de rendre ce qu’il a appris par cœur. Au début,
je laissais parler le télémarketeur pour connaître l’objet précis de son appel. J’ai appris qu’il ne fallait pas lui laisser la chance de terminer son introduction parce que il y a alors danger que la démonstration ne se prolonge jusqu’à la fin, soit au bout d’un moment interminable. À la première question, je réponds NON. À la deuxième: PAS INTÉRESSÉ. S’il ose en poser une troisième je raccroche illico en disant: %?@#?*!! de fatiguant. J’ai du caractère quand il n’y a plus personne au bout du fil.
Les sondages de firmes importantes peuvent arriver à me garder en ligne. L’exercice est d’apparence simple, mais c’est le but recherché par l’ensemble du questionnaire qui m’intrigue. Le sens des questions en dévoile souvent assez long pour deviner ce que le sondeur veut savoir. Cette quête d’informations dirigées m’amène alors à répondre toujours dans le sens favorable à l’objectif du sondeur. J’ai ainsi l’impression de contribuer à fausser les sondages ou à tout le moins à inscrire mes réponses dans la marge d’erreurs.
Les pointeurs de partis politiques doivent être heureux lorsqu’ils en ont terminé avec moi. Je dis OUI à toutes les questions. Ainsi, lorsque vous entendrez l’un ou l’autre des partis se targuer de détenir une avance au pointage, dites-vous bien qu’il en est peut-être tout autrement. Lorsque je me présenterai au bureau de votes, tous les représentants de partis confondus me feront aussi de larges sourires. Rira bien qui rira le dernier. Si je ne gagne pas mes élections j’aurai au moins le sentiment d’avoir encouragé tout ce beau monde qui brasse mer et monde une fois tous les quatre ans.
Avec l’avènement des nombreuses plateformes d’informations et d’échanges sociaux en temps réel, le téléphone mural est en train de devenir une simple composante du décor de la maison. À tel point que lorsqu’il ose sonner, on se demande immédiatement si quelque chose cloche. Pire quand c’est tard dans la nuit…