Musique de chambre à Sainte-Pétronille : Une autre belle visite du Quatuor Alcan

Martine Fauteux, Autour de l’île, île d’Orléans

Fondé en 1989 au Saguenay, le Quatuor Alcan recèle une délicate saveur de l’île d’Orléans, car l’altiste Luc Beauchemin, fils d’un des cofondateurs de Musique de chambre à Sainte-Pétronille, François Beauchemin, a joué dans l’enceinte de l’église Sainte-Pétronille alors qu’il était l’un des élèves de György Terebesi. Composé en plus de Laura Andriani et Nathalie Camus, violons, et de David Ellis, violoncelle, ce quatuor a rendu une autre agréable visite au public amateur de musique de chambre le jeudi 9 août dernier.

La soirée a débuté avec un apéritif estival où l’équilibre et la grâce de cet ensemble ont révélé  le raffinement musical du Quatuor en ré majeur, op. 64, no5, de Haydn, l’Alouette. Dans les différents mouvements, l’ambiance sonore est sculptée au travers des thèmes, aériens, chantants, dansants, plus souvent présentés par le premier violon, mais passant la parole aux autres instruments particulièrement dans le dernier mouvement avec une finale exaltée.

L’émerveillement suivra avec le Quatuor no3, op. 25, d’Airat Ichmouratov. Ce jeune compositeur et chef d’orchestre de 39 ans d’origine russe, établi au Québec depuis 1998, a écrit cette œuvre spécialement pour le Quatuor Alcan. Les quatre musiciens, avec un enthousiasme évident, ont alors rempli l’église Sainte-Pétronille d’émotion. Dès le Moderato con allegreza du premier mouvement, le charme de cette musique s’est installé au travers des variations de rythmes, d’intensités et de couleurs et de l’accord parfait des instruments. Les très belles mélodies restent dans l’oreille après que la dernière note du mouvement soit jouée. Puis le deuxième mouvement, le Scherzo, célèbre la vie. Les influences de la musique klezmer, bien marquées, procurent à ce mouvement une véritable amplitude orchestrale.

La beauté sonore de cette pièce atteint un sommet dans le troisième mouvement ; en effet, le Larghetto semble suspendre le temps. Les larges crescendos à caractère plus dramatique sont suivis par des mélodies empreintes de douceur et d’intériorité, amenées par l’un ou l’autre des instruments et exploitant pour chacun l’étendue de leur timbre. L’Allegro con brio final, aux accents plus modernes, se joue avec virtuosité des instruments : ils se cherchent mutuellement, s’interpellent, s’éloignent, pour en arriver enfin à une cohésion dans l’envolée fantastique et surprenante de la fin.

Après l’entracte, le Quatuor en mi mineur, op. 59, no2, Razumovsky,de Beethoven a été interprétémajestueusement avec toutel’intelligence et la sensibilitémusicales de ces musiciens. D’unmouvement à l’autre, ils ont procuréaux auditeurs le plaisir deredécouvrir les traits du langage propre à ce grand maître, que cesoit les silences, si présents dansl’Allegro initial et ses successionsde nuances, le thème « fugué »se promenant d’un instrument àl’autre et les lents decrescendosde l’aérien et émouvant Molto adagio, les formes rythmiquesplus osées, plus libres, pleines decontrastes et éclatées de l’Allegretto ou, enfin, l’exécution énergiquedu Presto final, finissantpar une chevauchée vigoureuse àquatre voix.

Par contre, ce n’est qu’aux rappels que l’auditoire a pu apprécier les interactions animées que le Quatuor Alcan sait établir avec le public. Ces dernières oeuvres (et il y en a eu trois) ont alors illustré brillamment la richesse de leur répertoire. L’interprétation du Presto no2 de Miguel del Aguila, en plus de démontrer une fois de plus leur grand talent de virtuoses, a permis au Quatuor de laisser libre cours à leur humour et à leur sens théâtral. La toute dernière pièce fut également une belle surprise : la transcription d’une pièce pour piano en mouvement pour quatuor à cordes, écrite par François Beauchemin. Une fin de programme harmonieuse et touchante.

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