Jocelyne Aird-Bélanger, Ski-se-Dit, Val-David, juin 2012
Gastronomes, gourmets, gourmands, nous sommes tous captivés par la cuisine, les petits plats recherchés, les surprises alléchantes, les trouvailles appétissantes pour illuminer nos trois repas par jour. Certains cependant en font une profession et se spécialisent dans ce domaine sans limites. Ce sont les CHEFS, ces athlètes des cuisines du monde, directeurs de brigades disciplinées et efficaces, maîtres de secrets délectables et créateurs de chefs-d’œuvre éphémères et goûteux.
Val-David en compte un parmi les plus grands au Canada, un Chef qui a su mettre à l’honneur les produits de notre terroir avant même que ce ne soit à la mode. Il s’agit de Marcel Kretz que le Marché d’été de Val-David veut honorer en juin pour son apport inestimable à notre communauté.
Bardé d’honneurs de toutes sortes, membre de l’Ordre du Canada depuis 1997, M. Kretz demeure un homme discret dont on se souvient surtout comme Chef de l’Hôtel de La Sapinière où il a dirigé les cuisines de 1961 à 1990. Son travail a contribué de manière essentielle à faire de cet hôtel, le premier des Relais et Châteaux au pays. Le splendide menu qu’il avait créé pour le souper des fins gastronomes du Club Prosper Montagné en 1972, illustre bien la qualité de son imagination culinaire et donnerait envie à tous de savourer pareille merveille! Notons ici que tous les plats sont réalisés à partir de produits québécois, du potage aux desserts. À lire en marge de cet article et à déguster virtuellement, en imaginant les vins fastueux qui auréolaient cet inoubliable festin!….
Le travail de Chef dans un hôtel réputé était particulièrement accaparant à cette époque et s’étendait très souvent sur toute la semaine, samedi et dimanche compris. Dans le temps des Fêtes, ce sont tous les employés de la cuisine, des plongeurs aux sauciers en passant par les pâtissiers qui s’affairaient à préparer, trois fois par jour, les menus que le Chef Kretz refaisaient à neuf à tous les jours. Le Chef veillait au calme dans sa cuisine et n’acceptait ni cris ni disputes et les mets qui en sortaient étaient toujours de grande qualité. Il se souvient avec plaisir du chef pâtissier M. Mojon un silencieux qui, pendant quarante ans, a réalisé les desserts les plus subtils. C’est avec fierté qu’il se souvient aussi de ses brigades de jeunes cuisiniers qui ont par la suite eu des carrières brillantes comme Denis Paquin du Lac Paquin, son sous-chef durant quelques années. Il a aussi travaillé de nombreuses années aux côtés de Philippe Belleteste à qui l’on doit l’École Hôtelière des Laurentides où il a lui-même enseigné quelques temps.
Marcel Kretz est venu à Val-David à l’invitation d’un ami, M. Eberhard Rado qui était maître d’hôtel de La Sapinière à l’époque. M. Rado avait émigré de l’Autriche avec sa femme un mois avant que M. Kretz ne débarque au Québec en 1953. Après avoir travaillé à Ste-Adèle au Chiriotto Lodge, à Morin-Heights, puis au Mont-Tremblant et à St-Jovite, le jeune chef fonde une famille avec Nicole Rochon et continue à améliorer la formation qu’il avait acquise à Strasbourg en Alsace. Tout en travaillant, il s’informe, voyage, participe à de nombreux concours et développe ses connaissances un peu partout au Québec et ailleurs. De plus, il était également membre de SACO (Service d’aide canadien aux organismes) avec qui il a œuvré comme volontaire dans deux missions au Costa Rica et au Guatemala et une en Russie.
Après ses longues et fructueuses années à la Sapinière, M. Kretz est devenu consultant en alimentation, en recherche et développement. À ce titre, il a été juge de compétions culinaires renommées et a continué à nous représenter au Canada ainsi qu’en Europe, en Asie, en Israël, en Afrique du Sud, en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. Partout, il mentionnait fièrement Val-David et le Québec.
Féru de ski de fond – lui qui fit son service militaire en ski dans les Chasseurs alpins à Val d’Isère – ce Chef est un sportif et un amateur de la nature qui apprécie particulièrement les Laurentides et Val- David où il vit depuis cinquante ans. Occupé et accaparé comme il l’était, il reconnait que c’est son épouse qui s’est surtout chargée de l’éducation de ses trois enfants : Isabelle, Patrice et Simon. L’ainé des fils est médecin, le plus jeune est chef de pupitre à La Presse ; et les deux frères ont participé au Triathlon et au défi Ironman à plusieurs reprises. Quant à sa fille, traductrice qui vit aux États-Unis, elle maîtrise encore plus de langues que son père qui parle l’alsacien (une ancienne forme de l’allemand), le français, l’anglais et l’allemand, évidemment.
M.Kretz a été élevé par une mère, merveilleuse cuisinière, entourée de tantes toutes aussi douées.Sa famille a réussi à traverser la guerre sans souffrir de la faim grâce au jardin qu’elle cultivait et à sa basse-cour. Cette expérience précoce a fait de lui un passionné de cuisine qui a innové au Québec en créant son propre jardin d’herbes aromatiques sur le terrain même de l’hôtel dans les années soixante. En plus du jardin de La Sapinière, il avait deux précieux partenaires dans la culture des herbes et laitues spéciales M. Paul Larose de St-Eustache et Jean-Baptiste Vendette du Lac Paquin à Val-David, de petits producteurs qui faisaient pousser pour lui des graines ou des plants rapportés, souvent encatimini, de ses voyages à l’étranger. Il croit fermement aux richesses de notre terroir et n’a jamais hésité à les mettre en valeur autant dans sa cuisine que dans les quatre Olympiades culinaires auxquelles il a participé ou encore dans les recettes qui lui ont valu des prix prestigieux.
Une légende qui courrait dans sa famille, disait qu’à 13 ans, il aurait réussi une soupe avec 13 légumes cueillis dans le potager familial! Ce goût bien ancré lui réussit encore aujourd’hui puisque la veille de notre rencontre, il venait de faire une grosse soupe de légumes où se retrouvait le persil de mer des Iles de la Madeleine qu’il a rapporté lui–même des Iles l’an dernier. Une découverte, ce persil au petit goût de feuilles de céleri légèrement citronné! Marcel Kretz est un grand Chef dont l’ensemble de la carrière été reconnu et honoré par la Société des Chefs Cuisiniers et Pâtissiers du Québec et par la
Fédération Culinaire Canadienne. Encore et toujours passionné de cuisine, il ne finit pas de s’émerveiller des trésors que la nature nous offre. Il n’est que temps que notre village honore cet homme que d’autres considèrent comme le summum dans son domaine.