Labeaume et radios-poubelle : même discours antisyndical!

Nathalie Côté, Droit de parole, Québec, mai 2012

À l’occasion du 1er mai, Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, Droit de parole a recueilli les propos d’Ann Gingras, présidente du Conseil central de la CSN de Chaudière-Appalaches et porte-parole de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics. Discussion sur l’actualité.

Le discours anti-syndical prend de plus en plus de place. On pense au Conseil du patronat qui martèle que les syndicats ne devraient pas intervenir politiquement. Qu’en pensez-vous?

 

Le Conseil du patronat a toujours été antisyndical, mais aussi antisocial. Eux, c’est l’intervention minimum. Le grand manitou du Conseil du patronat, l’Institut économique de Montréal, s’est infiltré partout. C’est la tendance libertarienne qui prédomine : l’intervention de l’État au minimum et en même temps, les programmes sociaux et les services publics réduits au minimum. C’est la valorisation de la richesse individuelle, sans notion de collectivité. Pas surprenant qu’il y ait un discours de plus en plus développé contre les organisations syndicales. Cela s’est toujours fait. Mais je dirais que c’est plus concerté maintenant, parce qu’on ajoute à cela des partis politiques comme l’ADQ, puis la CAQ aujourd’hui. Et avec le Parti Conservateur à Ottawa, on vient de mettre la cerise sur le gâteau.

 

Il y a un mépris pour les syndicats et pour la liberté d’association à tous les niveaux de gouvernement. Devrait-on s’en inquiéter?

 

Plusieurs dans le mouvement syndical y voient une menace. Une menace à l’ordre économique. À la CSN, on a toujours mis de l’avant ce qu’on appelle le deuxième front. Le premier front, c’est la négociation d’une convention collective, l’application de la convention collective. Le deuxième front, c’est toute l’intervention sur le plan social. Parce qu’un membre de syndicat n’arrête pas d’être membre à 5h le soir quand son quart de travail est terminé. Il y a des projets de loi et toutes sortes de règlements qui vont influencer sa qualité de vie. (…) Dans ce cadre-là, nous avons une responsabilité d’intervenir sur le plan syndical et sur le plan social. On n’est pas déconnecté de ce qui se passe. On est touché par tout ce qui se passe comme n’importe quels citoyen et citoyenne. Personne ne va nous empêcher de nous exprimer et de revendiquer.

 

À Québec avec les radios-poubelle et leurs animateurs qui dénigrent toute forme de vie associative, les syndicats ont la vie dure. Récemment, c’était au tour du Maire Labeaume de servir cette médecine aux cols bleus et aux pompiers. Comment expliquer cela?

 

Le maire Labeaume est un produit de ce que l’on vit à Québec depuis fort longtemps. Les ondes sont polluées par les radios-poubelle. (…) Ce discours populiste, c’est loin d’un discours politique. En même temps, quand on veut établir de bonnes relations de travail, une des notions de base, c’est le respect. Alors, si on commence en disant les cols bleus, ce sont des fraudeurs et que les pompiers se « pognent le bacon à deux mains parce qu’ils ne sortent pas assez de la caserne », c’est clair qu’on s’en va vers un mur et vers l’échec.

 

S’il y a encore des gens qui doutaient des positions politiques réactionnaires de Labeaume, ne vient-on pas d’avoir une preuve de sa vision du monde avec son attitude envers ses propres employés?

 

Moi, j’en ai jamais douté. C’est un homme d’affaires qui a été élu à la mairie. Alors, il ne faut pas s’attendre à avoir quelqu’un de progressiste.

 

Avec les dernières manifestations étudiantes durement réprimées, on se demande si, en plus du droit d’association, ce n’est pas celui de manifester qui est aussi de plus en plus méprisé.

 

C’est plus qu’inquiétant, en effet. En 2005 (lors de la dernière grève étudiante), les forces policières sont aussi intervenues de façon abusive. Est-ce que c’est parce qu’ils veulent leur en mettre plein la vue puisque ce sont des jeunes? Nous, on pense que c’est ça.

 

On a l’impression que les gouvernements, partout en Occident, cherchent à faire passer leurs mesures d’austérité de gré ou de force.

 

Il y a en effet une déresponsabilisation du gouvernement et en même temps, un laissez-aller et une utilisation éhontée de plusieurs outils, comme les forces policières pour arriver à leurs fins. Mais ils sont mieux de faire attention. Il peut rester des séquelles. Pas nécessairement juste des séquelles sur un choix électoral. Il peut rester des séquelles longtemps dans la mémoire collective.

 

Comment peut-on imaginer un retournement de situation ?

 

Il faut maintenir la fébrilité qu’on vit actuellement au Québec. Il faut faire en sorte, peu importe le mouvement social, que les gens soient traités d’abord et avant tout avec respect. Peu importe ce que monsieur Charest ou madame Beauchamp peuvent penser, ce n’est pas vrai que la démocratie, c’est faire un choix sur un bulletin aux quatre ans.
 

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