Un Vieux-Montréal qui s’essouffle

Vincent Di Candido, Échos Montréal, mars 2012

On assiste depuis des décennies dans le Vieux-Montréal à l'exode massif des gens d'affaires. Plusieurs ont préféré le modernisme du centre-ville, notamment de la Place Ville-Marie, qui fête cette année ses 50 ans, tandis que le Quartier historique devait composer avec plusieurs obstacles à surmonter, dont l'impact négatif de la fracture engendrée par l'autoroute Ville-Marie. Au fil des ans, on a donc dû mettre beaucoup d'énergie afin de «revamper» le Vieux Quartier. Cet effort collectif a nécessité autant l'implication de la Ville et des différents paliers de gouvernements que des gens d'affaires et résidents du Vieux-Montréal.

Plusieurs projets ont permis de redynamiser le quartier, afin de le sortir de sa longue hibernation. Les revitalisations se sont ainsi multipliées, via entre autres les réfections de la Place Jacques-Cartier, de la rue Saint-Paul, de la rue de la Commune, de la Place d'Armes, de la rue Gosford, de la rue Sainte-Hélène et du Marché Bonsecours. Malheureusement, ces travaux ne peuvent en soi s'avérer suffisants pour que le Vieux-

Montréal se suffise à lui-même toute l'année. Si bien que dès l'arrivée de l'automne, le Quartier historique se vide, faute d'une vision d'ensemble. Il reste toutefois une offre commerciale spécifique, soit celle du domaine de l'animation « Live », avec moult restaurants (environ 170), et des boîtes de nuits – dont quelques-unes ont par ailleurs mauvaise réputation.

Dans les faits, nous assistons au départ de nombreux bons commerces établis depuis plusieurs décennies. C'est le cas de diverses galeries d'art ou des magasins de meubles haut de gamme. Pendant ce temps, librairies et restaurants ont carrément fermé leurs portes, faute de clientèle.

Ce qui est navrant, c'est que cette situation était non seulement prévisible, mais qu’elle avait été anticipée, notamment lors de différents sondages passés réalisés par la maison Mizoguchi qui, mandatée il y a environ une douzaine d’années par la Ville de

Montréal (S. D. M.), avait pondu un rapport dans lequel on indiquait très clairement que le faible nombre de résidents qui vivent dans ce quartier (environ 4 000) ne serait jamais suffisant pour que le Vieux- Montréal se suffise à lui-même lorsque le tourisme y est absent – comme c'est le cas presque six mois par année.

S'il fallait le démontrer, il suffirait de se rappeler plusieurs grands commerces qui ont eu leurs assises au Marché Bonsecours, dont un grand épicier et un magasin de meubles d'importance, qui se sont cassé les dents en voulant défier cette réalité. Or, plusieurs solutions sont malgré tout envisageables. Prenons l'exemple des gens d'affaires du Vieux-Montréal, qui se sont dotés d'un organisme canalisant plus adéquatement leurs besoins avec la mise en place de la Société de Développement commercial du Vieux-Montréal (SDC), qui fait des efforts louables de promotion du quartier. Cependant, cela demanderait une intervention plus énergique de la Ville de Montréal, comme c'est le cas à Québec.

Ainsi, il serait souhaitable de définir clairement les priorités du quartier et d'établir des stratégies pertinentes dans des domaines ciblés, tels les commerces de luxe, en leur accordant une exemption de taxes. On pourrait ainsi s'affairer à attirer de grands designers, bijoutiers, etc. Il est également essentiel d'offrir, pendant la période hivernale, de grands événements familiaux. Il faut se souvenir qu'à une certaine époque, le Vieux-Montréal attirait des milliers de visiteurs américains avec ses châteaux de glace et autres sculptures. Il s'agit d'un dynamisme remontant au 19e siècle et qui fut ensuite transposé à la Ville de Québec vers les années 50, pour ce qui est aujourd'hui le Carnaval de Québec. On peut aussi mentionner, en été, des événements comme les Floralies.

Beaucoup d'intervenants pourraient œuvrer à mettre en place une structure d'animation tout à la fois conviviale et propice au commerce. Il reste à savoir s'il y a une volonté commune de le faire.

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