Gisèle Bart, Le Journal des citoyens, Prévost, le 16 février 2012
Le samedi 4 février, c’était la soirée des jeunes virtuoses à Diffusions Amal’Gamme. Il s’agissait de deux pianistes, Yogane Lacombe, 16 ans, et Jonathan Jolin, à peine plus âgé. Yogane s’est présentée sur scène coquette et enjouée. Puis, elle se concentra, posa ses mains sur les touches du piano avec une lenteur monacale pour attaquer, d’abord en douceur, une Sonate de Grieg d’une vivacité des plus contemporaines. La Fantaisie de J. S. Bach qui suivit était tout autant empreinte de jeunesse et de joie. Dans une Élégie de Rachmaninov fut jouée l’extériorisation d’un orage intérieur par une adolescente assumée. Yogane nous affirmera que la pièce suivante, Le vent dans les ruines de Jacques Ibert, illustre sa vraie nature à elle, un caractère fort. C’est ce qu’il nous fut donné de vérifier. Si je me permets de mentionner le mauvais tour que ses doigts lui ont joué, ce n’est pas pour la dénigrer, bien au contraire, mais pour louanger l’aplomb avec lequel elle s’est reprise pour terminer ce morceau en puissance et en beauté.
Les Baigneuses au soleil de Séverac, « jeunes filles en fleurs » légères et très modernes, sont venues nous charmer, sautillantes, par le truchement de l’une d’entre elles, Yogane. Cette dernière qui « aime passionnément la musique classique …mais aussi le populaire» nous l’a démontré par un Yogane Medley où elle mêla les deux. Elle termina par une Toccata de Tacaks, une course effrénée des doigts, une pièce pleine de surprises, de fréquents renversements des mains, finale en fraîcheur.
Après la pause, Jonathan Jolin, à peine plus âgé que Yogane, nous annonça le Prélude op. 45 de Chopin «moins connu, mais pas moins beau » avec un sourire irrésistible qui fera tomber bien des coeurs. Délicatesse, voilà certainement la qualité dominante de l’interprétation de ce Jonathan comme si des coussins de velours garnissaient le bout de ses doigts, et ce, même dans les accords plus fougueux. Dans la Sonate de Beethoven, nous assisterons encore une fois au miracle de l’inépuisable inspiration de ce génie, doublée de la magnifique interprétation du jeune pianiste. Une interprétation toute en retenue au 2e mouvement, presque mathématique, voire quelque peu rigide au 3e. Le 4e mouvement, un rondeau, fut un véritable envol de la main droite dans la confusion délibérée de la main gauche, fréquente chez Beethoven.
Mais c’est dans le Tombeau de Couperin de Maurice Ravel que cet envol des mains deviendra éblouissant. En effet, après l’introspection du Menuet, les mains de Jonathan, pour jouer la Toccate, deviendront des ailes qui, comme si elles avaient été une centaine, sembleront ne plus toucher le clavier. Il confiera que ce morceau en particulier contient toutes les difficultés de mains qu’il avait. Chapeau! Candidement, il jouera en rappel la Valse de Chopin op. 69 no 1 apprise dans son enfance. Une pièce qu’il affectionne et qu’il rejoue toujours avec plaisir. Seraitelle représentative de son romantisme ? Oui, à mon avis.