Vivre dans une yourte à l’année

Marie-Josée Richard, Graffici, Gaspésie, février 2012

C'est le rêve « un peu fou » d'un couple de néo-Gaspésiens venus de la région de Valleyfield. Comment se déroule leur premier hiver, à braver le vent, le froid et la neige ? Notre journaliste leur a rendu visite.

À partir de la maison de leurs amis sur la rue de l'Église, à Mont-Louis, il faut marcher 600 mètres à travers champs avant d'arriver à la « Nouvelle Gaule », comme l'appellent ses occupants. L’emplacement compte une cuisine d'été et trois habitations (deux yourtes et une tente prospecteur). Trois couples de « Gaulois » y résidaient depuis juillet ; seuls Samuel Jean (27 ans) et Marie-Ève Myre (28 ans) ont relevé le défi de résister à l'envahisseur : l'hiver gaspésien !

« En septembre, on a commencé à se préoccuper de l'hiver, commente M. Jean. C'était frisquet et l'humidité restait dans les couvertures » La yourte, une habitation circulaire de 17 pieds de diamètre par 10 de hauteur, n'était pas isolée et ne comptait aucun système de chauffage ; une simple toile recouvrait la structure de bois. Pour parer à la saison froide, le couple a opté pour quelques améliorations locatives un foyer de masse artisanal, un plancher de bois à un pied du sol, l'isolation des murs et du toit – pour ce faire, le couple a utilisé 25 à 30 couvertures ! – et de la neige compactée tout autour de la yourte.

« La yourte, c'est la solution la moins coûteuse : et la plus efficace », expliqueM. Jean. Il dit avoir dépensé 400 $ pour sa construction (100 $ en rivets et 300 $ pour la toile), la plupart des autres matériaux étant recyclés ou donnés. « C'est toute une liberté de ne pas devoir d'argent à quelqu'un d'autre », dit-il. La terre appartient à un ami et ils n'ont pas de compte d'Hydro-Québec à payer : leur électricité provient d'une petite éolienne et d'un panneau solaire.

« Jusqu'à maintenant, on est bien, insiste M. Jean, même si on a encore quelques détails à régler… » Par exemple ? Le foyer de masse renvoie parfois de la fumée à l'intérieur, sans compter que la yourte n'a pas encore de « vraie » toilette ni d'eau courante. Une fois par semaine, une corvée d'eau est nécessaire, ce qui consiste à remplir un bidon de 23 litres à une source à une cinquantaine de mètres de là. Pour une douche, le couple se rend chez des voisins.

Le couple se montre heureux de son mode de vie « alternatif ». « On est partis du rough pour se construire une yourte sur mesure », dit M. Jean, tout sourire. Sa conjointe abonde en ce sens. « Ça nous oblige à cibler nos besoins et à prévoir chacun de nos gestes. Ça permet de mieux nous connaître, de tester nos limites et nos peurs. » « Quand il n'y a plus assez d'électricité pour allumer une lumière, il y en a encore assez pour se brancher à Internet ! », rigole M. Jean, qui travaille à contrat « de la maison » comme informaticien. Quant à Mme Myre, employée d'été à l'Auberge festive Sea Shack, elle fignole un plan pour la mise sur pied d'une coopérative de travail, spécialisée en artisanat.

« Cet hiver, c'est le test », souffle Samuel Jean, qui a l'ambition de construire un « village gaulois » à des fins commerciales. « Pour partager, pour faire vivre l'expérience de la yourte au plus grand nombre de gens, dit-il, rempli d'enthousiasme. Mais, avant de le faire vivre à d'autres, il faut savoir ce que c'est ! »

Poursuivront-ils l'expérience l'an prochain ? Silence. Le couple se regarde, complice. « J'pense pas, » répond M. Jean. Sa douce enchaîne : « J'ai su il y a trois jours que je suis enceinte ! ». « Ça nous oblige à revoir nos plans ; en septembre, on sera trois ! », poursuit M. Jean, l'air songeur.

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