Exploitation sexuelle chez les jeunes filles

Audrey Desrochers, L’Itinéraire, Montréal, le 1er février 2012

Océane, une jeune adolescente au secondaire, vivait une situation familiale difficile. Paco est arrivé dans sa vie, lui offrant une myriade de cadeaux: parures, bijoux et vêtements, mais surtout une gang, une famille. Le rêve s'est vite transformé en cauchemar lorsqu'Océane a réalisé que ces présents n'étaient pas si gratuits. Elle en a payé de son corps, de sa fierté. Manipulée et contrôlée par son «copain» Paco, la jeune fille a été victime de prostitution en milieu de gang de rue. Deux ans plus tard, elle subit encore les conséquences psychologiques de cet épisode troublant.

Voilà un cas typique d'exploitation sexuelle présenté dans le docu-fiction Quand l'amour exploite, réalisé dans le cadre du projet de prévention de La Chrysalide, un des Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS), visant à contrer l'exploitation sexuelle des jeunes adolescentes par les gangs de rue. Le court-métrage et son guide d'accompagnement sont d'abord destinés aux travailleurs qui oeuvrent dans la prévention auprès des jeunes, car l'âge moyen des filles victimes de ce fléau est d'à peine 14 ans.

Travailler en amont avec les adolescents reste l'outil principal de lutte contre l'exploitation sexuelle des jeunes femmes. Pour Carole Boulebsol, sociologue et membre de l'organisme de concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle (CLES), la prévention doit non seulement se faire auprès des filles, mais aussi auprès des garçons. Selon elle, il faut sensibiliser ces derniers à ne pas participer à cette industrie du sexe illégal.

La situation est préoccupante. Selon une étude effectuée en 2002 pour le compte de l'organisme Défi Jeunesse, à Montréal seulement, plus de 4 000 jeunes âgés entre 12 et 25 ans s'adonneraient à des activités de prostitution juvénile. «Et tout porte à croire que ce sont des données très conservatrices, puisque le Québec ne dispose pas vraiment de données fiables sur le sujet», explique Carole Boulebsol.

Pour certaines, le processus d'influence est simple : comme Océane, une jeune fille tombe amoureuse de son prince charmant, qui s'avère être … un vilain canard. Pour d'autres, c'est le résultat d'un cheminement traumatique après une agression sexuelle subie à l'enfance. Toutes ont cependant un besoin à combler et les proxénètes leur offrent de colmater cette brèche sur un plateau d'argent. «Les jeunes pensent qu'ils sont à l'abri de cela, mais il est important de comprendre que n'importe quel type de fille peut se faire entraîner [dans cette sphère de manipulation]», insiste l'intervenante au CALACS, France Clément.

Pour s'en sortir, elles peuvent compter sur l'appui des travailleurs sociaux, des psychologues et autres services spécifiques en exploitation sexuelle. «C'est aussi tout le réseau communautaire du jeune qui participe à l'aider à s'en sortir», estime la sociologue Carole Boulebsol. Les ressources semblent toutefois limitées, et Karine Tremblay, du Regroupement québécois des CALACS, ne se gêne pas pour affirmer «qu'il y a un grand besoin du côté des ressources d'aide» et que pour le moment, «il faut faire ce qu'on peut avec ce qu'on a».

Honte, culpabilité, dépression, isolement … La prostitution en contexte de gang de rue apporte son lot de conséquences psychologiques sur les jeunes femmes. Karine Tremblay rappelle que les filles victimes de la violence sexuelle ne le sont pas par choix; sans sensibilisation, n'importe qui peut devenir une jeune Océane.

 

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