Souvenirs des Basques : Omer Lafrance de Trois-Pistoles a 102 ans

Marjolaine Jolicoeur, Horizon, presse coopérative des Basques, MRC des Basques, janvier 2012

1909 à Rivière-du-Loup, a passé son enfance à Saint-Simon et une grande partie de sa vie à Trois-Pistoles à construire des maisons. Les secrets de sa longévité ? L’amour de sa famille, vivre le moment présent, manger du chocolat et boire à l’occasion un verre de porto.

Après une enfance passée sur une ferme et marquée par la mort prématurée de sa mère alors qu’il est encore enfant, Omer Lafrance devint pistolois à l’âge de 28 ans. C’est dans le 3e rang de Trois-Pistoles, lors d’une soirée de danse, qu’il rencontre Yvonne D’Amours. Puis il la revoit sur le perron de l’église : « Elle avait mon âge, elle était grande et brune », dit M. Lafrance de cette jeune fille avec qui il sera marié pendant 63 ans. « L’argent était rare dans ce temps-là, il fallait se débrouiller. J’ai appris mon métier de menuisier-charpentier à l’école de la vie. Dans les premiers temps, j’allais travailler à bicyclette, je charriais mes outils dans un panier. C’est en 1955 que j’ai acheté mon premier pick up, un Ford rouge. »

Avec peu d’outils, lui et un autre menuisier pouvaient monter une maison en un mois et demi. « Ici, sur la rue Vitré, il n’y avait pas beaucoup d’habitations dans les années quarante. C’est moi qui a construit la maison dans laquelle j’ai élevé mes sept enfants et où je vis encore. » Au fil des ans, M. Lafrance a bâti plusieurs autres maisons à Trois-Pistoles, ainsi que l’école primaire de la Pointe à la Loutre de Notre-Dame-des-Neiges et le bureau de poste de Saint-Simon. Il a de plus rénové certaines parties du couvent Jésus-Marie et refait le plancher de l’église de Trois-Pistoles. « Eh bonjour qu’on a travaillé fort ! Mais j’ai beaucoup aimé mon travail. Même si parfois c’était dur, j’ai toujours pris ça un jour à la fois. Je me disais la journée est passée, maintenant on va prendre l’autre. »

Il n’est pas allé à la guerre parce qu’il était marié mais aussi parce que « je n’étais pas assez grand », raconte-t-il, une étincelle rieuse dans ses yeux bleus. Mais il se fait plus grave en parlant de ces hommes qui se cachaient dans la forêt pour échapper à l’armée. « C’était la grosse misère parce que des soldats qui venaient d’en dehors les cherchaient. Les hommes devaient changer de cachette de semaine en semaine pour leur échapper. Certains sont partis à la guerre et ne sont jamais revenus. »

À l’âge de 70 ans M. Lafrance a pris sa retraite, tout en continuant à travailler dans un atelier à l’arrière de sa maison. Toute sa vie, il a eu des jardins et continue toujours à planter des « carottes, des pois et des tomates ». Sa spécialité culinaire : de la soupe aux pois avec du lard salé.

La pêche a aussi été l’une de ses grandes passions, jusqu’à près de cent ans. « On allait beaucoup pêcher au Lac Saint-Mathieu. Mais des Américains sont venus ensemencer le lac avec du meunier noir et cela a fait disparaitre les truites. Ils rôdaient et faisaient leurs malcommodes. Une chance qu’au bout de trois ans, ils sont repartis. Après, pour trouver de la truite, on allait dans la Réserve Duchenier. » M. Lafrance a conduit son auto jusqu’à près de cent ans aussi, pour aller jouer aux cartes – au Charlemagne –, voir ses amis et faire une visite au centre d’achats. « Ça été un coup dur quand j’ai perdu mon permis de conduire, je ne pouvais plus sortir seul. » Mais l’épreuve la plus douloureuse de ces dernières années fut le décès de sa femme alors qu’elle avait 89 ans. « Ça été très difficile », avoue-t-il avec tristesse, tout comme un peu plus tard la disparition de deux de ses filles, mortes du cancer à quelques jours d’intervalle. Maintenant il habite avec une autre de ses filles, Jeannine, qui l’amène au restaurant ou faire des ballades en voiture dans Trois-Pistoles. « Il est un peu sourd, mais ne fait pas de cholestérol et a une pression de jeune homme », assure sa fille. Son père ajoute que, s’il a une bonne santé, « c’est parce que je n’ai pas couru souvent chez les docteurs et pas pris beaucoup de pilules non plus dans ma vie. » Et la mort, est-ce qu’il en a peur ? « Non, pourquoi j’aurais peur de la mort ? Quand ça sera le temps, le bon Dieu va me faire un signe. Mais ça presse pas encore. »

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