Cinéma maison de Jean Tremblay

Denys Claveau, La Vie d’ici, Shipshaw, janvier 2012

Quand Jean Tremblay m'a envoyé un courrier électronique m'invitant à venir voir ses maquettes miniatures, j'ai dit oui tout de suite. Non il ne s'agissait pas du maire de Saguenay mais bien de Jean Tremblay de la route Bouleaux. Jean n'est pas « sorteux » comme on dit, mais il est très connu de par son petit « pick-up » vert qui lui est plus qu'utile puisque notre ami souffre d'un handicap important qui limite considérablement ses déplacements à pied. Personnellement je connais Jean depuis très longtemps puisque je lui ai enseigné en secondaire 1 à la fin des années soixante-dix. J'étais d'autant plus intrigué par son offre d'entrevue que j'en avais un souvenir très précis d'élève brillant, studieux et appliqué.

C'est ainsi qu'un dimanche de novembre je me rendis rencontrer Jean qui demeure avec sa mère Solange. L'accueil fut chaleureux mais rapidement Jean m'amena dans son antre, c'est-à-dire sa chambre au 2e étage. Malgré sa difficulté à marcher, j'eus peine à le suivre dans l'escalier étroit, tellement son enthousiasme le soulevait. La porte s'ouvrit donc sur un appartement relativement petit, assez dépouillé, mais ou son ordinateur occupe une place de choix. Dans un coin à part, une maquette représentant une scène champêtre attire vivement mon attention. Quelques personnages miniatures animent un tableau très réaliste où le moindre détail a été pensé et réalisé avec une minutie extraordinaire. Arbres, feu de camp électrifié pour faire authentique, petite cascade d'eau mue par une pompe invisible, tout le paysage donne de la force et de l'harmonie à ce vivant tableau.

Je demande à Jean s'il avait d'autres maquettes puisqu'il m'avait affirmé avoir ce hobby depuis des années. « Non, je les ai toutes démantelées ». Cette réponse me laissa sans voix mais il m'avoua par la suite son projet de déménager dans Charlevoix pour y habiter avec son amie de coeur. Il devait donc voyager léger comme on dit.

Dommage me disais-je. J'aurais tellement aimé voir toutes ses maquettes. Comme s'il avait lu dans mes pensées, Jean m'invita à approcher de l'ordinateur. « Je ne les ai plus les maquettes mais je les ai toutes photographiées ». Il avait plus de 1 600 photos de ses personnages, paysages, véhicules dans toutes les positions, tous les angles. La caverne d'Ali Baba venait de s'ouvrir. En fait en voyant défiler devant moi les centaines de photos de ses maquettes, je compris que Jean était non, seulement créatif sur le plan modélisme, mais qu’il était une sorte de cinéaste amateur qui se fabriquait un monde bien à lui. De la création des décors en passant par la scénarisation les jeux de scène, les éclairages, la technique de caméra, l'informatisation tout y était. J'étais estomaqué devant l'ampleur de l'oeuvre d'autant plus que le moindre changement de costume d'un personnage demandait à Jean un effort presque surhumain et une patience infinie à cause du tremblement continuel de ses mains. Ce qui serait pour nous une chose relativement simple devient pour Jean un véritable défi. M'étonnant de cet acharnement créatif chez ce Gulliver au pays des Lilliputiens, Jean me rétorqua que seule la passion peut expliquer tous ses efforts. Il m'avoua même travailler surtout la nuit à ce passe-temps plutôt inusité où les défis sont monnaie courante.

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